L'actualité du livre
Bande dessinéeet Jeunesse  

Seuls (n° 3) - Le clan du requin
de Fabien Vehlmann et Bruno Gazzotti
Dupuis 2008 /  9.20 €- 60.26  ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2-8001-4049-0
FORMAT : 22x30 cm

Sa Majesté des Requins

Après avoir échappé au « maître des couteaux », Dodji et sa bande ont quitté Fortville à bord d'un vieux bus à impériale aménagé. Livrés à eux-mêmes dans un monde désert dont la population a mystérieusement disparu du jour au lendemain, les cinq enfants continuent de chercher à comprendre leur étrange situation ; tout en s'efforçant de survivre aux nombreux dangers qui les menacent. Mais à présent, nos héros ne sont plus « seuls » : une course-poursuite contre une meute de chiens féroces les amène jusqu'à « Treasure Island », un parc d'attractions où a élu domicile une bande de gamins également rescapés de la disparition. Malgré l'accueil chaleureux de leurs nouveaux camarades, Dodji, Camille et les autres comprennent vite que cette « île au trésor » n'est pas aussi paradisiaque qu'elle en a l'air : pour intégrer le « clan du requin », il faut se soumettre à l'autorité de son chef Saul, une graine de dictateur fasciné par le IIIème Reich...

« Le clan du requin » vient confirmer la bonne impression laissée par les deux premiers tomes de cette série. Les auteurs de Seuls ont trouvé le ton juste pour s'adresser au jeune public, sans niaiserie ni condescendance. Au-delà du simple divertissement « à l'américaine », il s'agit de donner au lecteur matière à réflexion, quitte à le secouer un peu plus que dans la production jeunesse standard. L'influence de Sa Majesté des Mouches, déjà perceptible dans l'argument de départ de la série, est ici évidente : comme dans l'inoubliable roman de William Golding, on voit un groupe d'enfants reproduire les schémas sociaux des adultes, et dériver petit à petit vers la violence sous l'impulsion d'un leader charismatique dangereux (Vehlmann étant tout de même plus léger et optimiste que Golding : face à Saul/Jack, le sage Dodji/Ralph finira bien sûr par faire triompher la raison). Le cadre de la fausse île tropicale renforce avec malice le parallèle avec le roman. En outre, ce décor inattendu permet de renouveler le récit tout en lui donnant un côté ludique bienvenu (quel meilleur terrain de jeu qu'un parc d'attractions pour des enfants laissés sans surveillance ?).
Fabien Vehlmann construit son histoire comme une série télévisée (on pense évidemment à Lost) : chaque épisode apporte à la trame générale son lot de nouvelles questions et réponses, tout en développant une histoire complète autonome. Ici, comme dans le tome 2, on n'apprend que peu de choses au sujet de la disparition des adultes, mais la fin de l'album ouvre de nouvelles pistes suffisantes pour entretenir le suspense et chatouiller la curiosité du lecteur.

Bruno Gazzotti illustre cette histoire avec le talent et l'efficacité qu'on lui connaît. Son style rigoureux et dynamique synthétise habilement l'héritage des grands classiques franco-belges (on sait que Gazzotti a débuté comme assistant de Janry sur Le Petit Spirou) et l'influence plus actuelle de la narration cinématographique ; ce qui colle parfaitement avec l'univers de Seuls. Après l'atmosphère très urbaine des deux premiers tomes, l'ambiance « pirate » de cet épisode permet au dessinateur de s'en donner à cœur joie sur les costumes et les décors, le cadre du parc d'attractions étant prétexte à de belles scènes d'action. À la couleur, Cerise laisse la place à Caroline et Ralph Meyer, pour un résultat toujours impeccable.

Seuls s'installe petit à petit comme une valeur sûre de la BD jeunesse. D'après le scénariste, le cinquième tome sera celui de la révélation. En attendant, le dessinateur travaille déjà au prochain album, « Les Cairns rouges ». Les fans de Soda devront donc continuer à ronger leur frein !


Michaël Bareyt
( Mis en ligne le 01/07/2008 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)