L'actualité du livre
Bande dessinéeet Illustrations, graphisme et dessins d’humour  

Le Roman de Renart
de René Hausman
Dupuis 2012 /  29 €- 189.95  ffr. / 92 pages
ISBN : 978-2-8001-5619-4
FORMAT : 25x30 cm

Un fabuleux renard

Hausman n'a jamais été un auteur de bande dessinée totalement convaincant. Il y a dans ses récits quelque chose de l'illustrateur qu'il est tout au fond de lui. Avec ce Roman de Renart, nous retrouvons le magicien à l'œuvre.

Les histoires du goupil sont bien connues. On les retrouve ici racontées avec une langue faussement archaïque, depuis sa rivalité avec Ysengrin jusqu'à son procès au tribunal des animaux. Hausman prend visiblement plaisir à jouer avec les mots, et il s'amuse de ce propre à rien qui se révolte contre l'autorité. Un brin de morale en fait une victime vengeresse plus qu'un escroc de grand chemin, mais l'esprit original demeure, tout en ironie et en contre-pouvoir.

Pourtant, c'est bien pour les illustrations que ce livre est une merveille. Hausman y poursuit le travail des Fables de la Fontaine. Par moments, il choisit des saynètes discrètes, des petites ombres chinoises qui font office de cabochons. On y retrouve son sens de l'esquisse et son plaisir de la matière. Le reste du temps, il se lance dans de vastes illustrations débordant d'une page à l'autre, fourmillantes, riches de volumes et de précisions.
Hausman n'a pas à rougir de la comparaison avec Samivel ou Beuville, ces grands illustrateurs qui l'inspirent. Son dessin est un ravissement. On y plonge en se délectant d'un détail ou d'une couleur, mais on y a toujours pied.

Les animaux ont toujours été son thème de prédilection, auquel il est revenu sans cesse dans ses bandes et dans ses dessins. Le Roman de Renart lui convient à la perfection, dans cette satire des hommes sous la formes des bêtes. Les animaux respirent, habités par des pensées rusées ou déçues. Ils expriment leur cœur aussi fortement que s'ils étaient munis d'un visage. Mais le bestiaire selon Hausman n'a rien à voir avec le zoomorphisme à la Disney. Ici, le chat n'est pas ramené à sa dimension inoffensive, et s'il porte parfois un manteau, il ne traduit pas ses émotions par les valeurs humaines des sourires et des sourcils. C'est le corps tout entier qui explose. La densité de la peinture (gouache, encre de chine et encre aquarelle) est plus importante que la valeur de la couleur. L'ours est une masse, le loup un pantin ridicule, le corbeau la nervosité incarnée. On retrouve les animaux chtoniens du Moyen-Âge, ces bêtes noires associées au Malin. Le regard, éclatant dans l'espace sombre du visage, arrive juste à point pour préciser une inquiétude ou une mauvaise idée.
Les animaux positifs sont tout aussi réussis. Il faut voir Chantecler s'enfuir avec furie de sous les pattes du goupil, tout en horreur rigoureuse ; ou encore le bœuf obèse du paysan occuper tout l'espace de la page, en graisse et en boursouflure.

On retrouve ces qualités dans les quelques décors en miniatures d'inspiration flamande, délicieuses forêts habitée de quelques maisons aux toits de chaume. Mais le plus remarquable est encore l'humour qui s'en dégage. Chaque élément vibre et vit. Un bon gros moine, Noble le lion pas si superbe, entouré de ses courtisans serviles, provoquent forcément des sourires.
Dans sa préface, Jean-Louis Bocquet suppose que Charles Dupuis avait créé sa collection de textes illustrés spécialement pour René Hausman, comme une danseuse à l'intérieur d'une maison d'édition de bandes dessinées. Un illustrateur fabuleux à qui on offrait un écrin. Il est tout naturel que la maison Dupuis, même privée de son fondateur, offre cinquante ans plus tard un nouvel écrin pour le mettre en valeur.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 19/11/2012 )
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