Jeunesse
Albums de Jean-Pierre Kerloc'h et Gaëtan Dorémus
Glénat - P'tit Glénat 2010 / 12 €- 78.6 ffr. / 38 pages
ISBN : 978-2-7234-7905-9
FORMAT : 25,5x29,8 cm
Collection "Les Histoires phares"
Classique indémodable
La couverture interpelle immédiatement. Ce «visage» en creux, cette présence fantomatique sur fond bleuté nous renvoient aux dessins oniriques de Folon, et même si l’intérieur de l’album évince cette référence pour partir vers d’autres territoires graphiques, l’a priori est forcément positif. L’illustrateur Gaëtan Dorémus possède un énorme talent qu’il dévoile de page en page, régalant le lecteur d’illustrations doucereusement colorées, remplies de silhouettes expressives ou d’emblèmes forts et significatifs comme cette rétine arc-en-ciel qui ouvre l’album. On pense alors à Chagall, à Grosz, et à ces illustrateurs qui n’ont pas peur de prendre les perspectives à l’envers afin de réveiller un décor tristounet ou de désarticuler les anatomies pour mieux les faire parler.
On sera ainsi de suite happé par cette adaptation du roman mythique de Wells. L’Homme invisible fait partie du panthéon des figures de la littérature (et du cinéma) fantastique, aux côtés du docteur Jekyll, de Frankenstein et de Dracula. La trame est immédiatement passionnante, faisant vriller l’imaginaire et interpellant les divagations et autres fantasmes.
L’histoire illustrée, et illustre, est donc celle du savant Griffin qui a mis au point une expérience scientifique lui permettant de devenir invisible. Si la science est son métier, elle n’est pourtant pas ici sa seule motivation puisque le fait de disparaître arrange surtout ses affaires d’argent et de voisinage… L’homme est certes invisible mais pas saint. L’adaptation de Jean-Pierre Kerloc’h n’évince en effet pas la violence froide du roman original : doté d’un pouvoir extraordinaire qui le rend pratiquement insaisissable, Griffin l’invisible en profite pour se débarrasser de toute morale et commettre les pires délits. La suite de l’ouvrage verra vite les rôles s’inverser et le pouvoir de Griffin se retourner contre lui. Le parcours du génial scientifique ressemble alors une tragédie qui se finit dans le sang.
Les auteurs ne prennent pas de gants et livrent cette version certes abrégée du roman mais pas light pour autant. Une façon comme une autre de montrer que l’on prend au sérieux son lectorat, aussi jeune soit-il.
Alexis Laballery
( Mis en ligne le 15/12/2010 )
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