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L'Impossible retour - Une histoire des juifs en Allemagne depuis 1945
de Olivier Guez
Flammarion - Champs 2009 /  9.50 €- 62.23  ffr. / 408 pages
ISBN : 978-2-08-122478-0
FORMAT : 11cm x 18cm

L'auteur du compte rendu : Grégory Prémon est agrégé d'histoire-géographie.

''Ca ne finit pas et ça ne finira jamais''

Quel paradoxe que de donner pour titre à un ouvrage L’Impossible retour tout en rappelant que l’Allemagne compte aujourd’hui la troisième communauté juive d’Europe et qu’elle a accueilli plus de 220 000 juifs d’ex-URSS depuis les années 1990 ! C’est toute l’ambiguïté du livre d’Olivier Guez dont le ton hésite entre celui de l’essai, du livre d’histoire et de témoignages.

A juste titre et avec une grande rigueur, sont rappelées les relations difficiles que les Allemands entretiennent avec leur passé hitlérien, et plus particulièrement avec la Solution Finale. La dénazification qui suit la guerre et le philosémitisme affiché dans les années 1950 sont dénoncés comme une simple façade. C’est seulement à la fin des années 1950 et au début des années 1960 qu’une véritable prise de conscience s’organise grâce notamment en 1958 à la création de l’Office central de l’administration fédérale pour l’instruction des crimes nazis et à la tenue en Israël du procès Eichmann.

Pour la jeunesse allemande, l’antisémitisme devient alors le mal absolu et «les jeunes ne toléraient plus le silence des pères». Retour de l’histoire : l’influence des intellectuels, W. Reich et H. Marcuse est à son apogée et l’opinion se prononce largement en faveur d’Israël pendant la Guerre des six jours. L’Allemagne semble définitivement rompre avec son passé avec l’élection de Willy Brandt à la chancellerie en 1979

L'ambiguïté demeure cependant. Dans les années 1970, le soutien que l’extrême-gauche apporte à la cause palestinienne s’accompagne d’un fort antisionisme teinté parfois d’antisémitisme. En 1986, un débat virulent oppose Ernst Nölte et Jürgen Habermas sur la manière d’aborder le nazisme dans l’histoire : Peut-on le comparer aux autres totalitarismes ou cette comparaison ne dissimule-t-elle pas une volonté de mieux nier sa spécificité et sa barbarie ?

Et aujourd’hui ? Malgré la présence de milliers de monuments en Allemagne commémorant la Shoah – dont le fameux mémorial de Berlin – et la célébration d’une journée du souvenir chaque 27 janvier – jour de la libération d’Auschwitz – depuis 1996, l’auteur tient à pointer du doigt les difficultés que l’Allemagne aurait avec son passé et surtout son éventuel tendance à l’oubli. Il s’oppose en cela à ceux qui tout en reconnaissant et dénonçant la barbarie nazie tiennent aujourd’hui à dépasser cette partie de l’histoire de l’Allemagne.

Livre d’histoire, le livre d’Olivier Guez est aussi un livre de témoignages. L’essentiel des sources de l’auteur est constitué de témoignages d’anciens juifs déportés, toujours insérés avec justesse dans leur contexte. On pourra toutefois reprocher à l’auteur de leur accorder une trop grande place. Leur croisement avec des sources plus variées et plus nombreuses n’aurait pu qu’enrichir son propos.

Alors que l’historien a tendance à s’effacer derrière son discours, Olivier Guez s’engage. Le ton devient très personnel : il décrit de manière très intime les circonstances de ses rencontres avec les différents témoins. C’est ainsi qu’il construit une thèse – celle de l’impossible retour – personnelle et originale, véritable prise de position sur la question de la place du nazisme dans l’Allemagne d’aujourd’hui.

Grégory Prémon
( Mis en ligne le 25/08/2009 )
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