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Histoire & Sciences socialeset Poches  

L'Historiographie
de Nicolas Offenstadt
PUF - "Que sais-je ?" 2011 /  9 €- 58.95  ffr. / 127 pages
ISBN : 978-2-13-059157-3
FORMAT : 11,6cm x 17,6cm

L’auteur du compte rendu : Philippe Poirrier est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne. Il a notamment publié Les Enjeux de l’histoire culturelle (Seuil, 2004), Introduction à l'historiographie (Belin, 2009), et dirigé L’Histoire culturelle. Un "tournant mondial“ dans l’historiographie ? (EUD, 2008).

Une Histoire de l’histoire

Trente ans après le «Que Sais-Je ?» de Charles-Olivier Carbonell, cette nouvelle édition, confiée à la plume de Nicolas Offenstadt, permet de mesurer le chemin parcouru par des approches qui ont l’ambition de proposer une «Histoire de l’histoire» ; d’une histoire des idées longtemps dominante à une histoire qui intègre l’analyse des pratiques, et qui est sensible à rattacher les écrits des historiens à des contextes, à des luttes académiques et à des enjeux sociaux et politiques.

Nicolas Offenstadt, historien de la guerre du Moyen-Age (Faire la Paix au Moyen Age, 2007) à la Grande Guerre (14-18 aujourd’hui. La Grande Guerre dans la France contemporaine, 2010), essayiste à ses heures (L’Histoire bling-bling. Le retour du roman national, 2009), membre du Comité de Vigilance face aux Usages publics de l’Histoire (CVUH), possédait bien des atouts pour se lancer dans l’écriture de ce nouvel opus ; tâche assez délicate compte tenu des vifs enjeux, aussi bien intellectuels que corporatistes, qui traversent la discipline et du cahier des charges de la collection. Chargé du cours d’historiographie à l’université de Paris I Panthéon Sorbonne, l’auteur a également co-édité la dernière somme encyclopédique sur le sujet : Historiographies, Concepts et débats (2010).

Le projet est clairement affiché : l’historiographie de l’histoire est comprise comme «une discipline avec ses règles et ses méthodes, même disputées et discutées». L’auteur précise que «faire de l’historiographie, loin de la lecture abstraite d’œuvres obligées, c’est à la fois s’inscrire dans un héritage, car l’histoire est une discipline cumulative – et combien pauvres sont les travaux qui s’en tiennent à la mise en scène de leur source sans discussion des héritages -, réfléchir sur ses pratiques et, finalement, penser les liens du passé et du présent». A ce titre, l’ouvrage témoigne du «tournant réflexif» qui caractérise la manière dont les historiens réfléchissent, depuis deux ou trois décennies, à leurs pratiques et identités professionnelles, et plus largement aux usages de l’Histoire, hier et aujourd’hui. Huit chapitres thématiques montrent comment la discipline s’est constituée au fil du temps, mais aussi présentent l’histoire telle qu’elle se pratique aujourd’hui, en France et dans le monde. Ce découpage efficace offre une synthèse équilibrée, qui ne s’enferme pas dans les seules situations franco-françaises : les historiens et les temps ; les historiens, les documents et leur critique ; l’histoire comme science ; Histoires, écritures, récits ; l’histoire parmi les sciences sociales ; découper et classer : les échelles et les catégories des historiens ; un exemple de champ renouvelé : histoires de guerres, histoires de paix. Le dernier chapitre, intitulé ''Mémoires, luttes et histoire'', analyse la montée en puissance des logiques mémorielles et ses conséquences sur la pratique historienne, revient sur le débat autour de la question du «roman national», et souligne les différentes formes d’engagement des historiens.

L’ouverture vers les historiographies étrangères, notamment allemandes et anglo-saxonnes, est à mettre au crédit de l’auteur. ''Queer studies'', ''Colonial studies'', ''Subaltern studies'', ''Connected history'', ou encore ''World history'', courants plus ou moins bien connus en France, sont présentés et leurs apports discutés. Le ton est mesuré, moins polémique que d’autres publications de l’auteur. Une bibliographie réunit, sur deux pages, une cinquantaine de références qui offrent de nouvelles pistes de lecture.

Le pari de Nicolas Offenstadt est largement atteint : ce «Que Sais-je ?» rendra de grands services aux étudiants, notamment à ceux qui préparent les concours de recrutement du second degré.

Philippe Poirrier
( Mis en ligne le 01/11/2011 )
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