L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Poches  

La Femme qui résiste
de Anne Lauvergeon
Seuil - Points 2013 /  6.70 €- 43.89  ffr. / 234 pages
ISBN : 978-2-7578-3228-8
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

L'Etat Sarko

Juin 2011 : Anne Lauvergeon apprend la fin de son mandat à la tête d’Areva tandis que les médias l’annoncent publiquement au même moment. La méthode Sarkozy est cavalière, mais pour cette femme, fidèle à elle-même, c’est l’opportunité de faire le bilan : ne pas être complice de ce qu’elle a vu et l’écrire.

Dans son livre, elle revient sur sa vie et l’entrée à l’Elysée. Les missions s’enchaînent ; Mitterrand apprécie son objectivité et sa loyauté, contre-pouvoir aux courtisans qui évoluent au rythme des élections. Après l’Elysée - et un bref passage chez Lazard où Edouard Stern  porte «la haine de lui-même en bandoulière» - elle est chez Alcatel quand Lionel Jospin lui propose de diriger la Cogema.

Avec les salariés, elle entreprend la fusion de Cogema, Framatome & FCI sous la holding Areva qui rachète à Alstom sa filiale T&D (2004) : l’entreprise prospère et dégage un CA de 5 milliards € en 2009. C’est alors que Nicolas Sarkozy décide de la revendre… à Alstom qui, sans moyens financiers, en revend une partie à Schneider Electric et l’autre à deux concurrents, ABB et Siemens. A son tour, Areva attise les convoitises de Bouygues et de «l’axe Guéant, Borloo, Roussely, Comolli, Djouhri. La machine étatique pour certains, l’entreprise et les contrats lucratifs pour d’autres». Henri Proglio, «entouré, bichonné, cocooné» se place - sans aucune compétence - mais avec l’aval du gouvernement, en interlocuteur unique de l’Afrique du Sud pour la négociation d’un nouvel EPR (interdiction pour le spécialiste Areva d’intervenir) : pas le moindre contrat en retour.

A. Lauvergeon s’oppose encore à N. Sarkozy sur l’accord de coopération nucléaire avec le Colonel Kadhafi (2007) après la libération des infirmières bulgares, sur absence de mise en compétition d’investisseurs pour Areva (les Qataris sont retenus d’office par l’Elysée) ou la mise en place de la commission Roussely, etc. Sa résistance engendre soties et «autres gracieusetés présidentielles qui ne sont que des zakouskis» au regard de ce qui l’attend sur fond de casting politique. La loi du clan s’impose : tous les guets-apens sont permis.

Anne Lauvergeon démontre clairement comment des intérêts particuliers s’imposent sur l’échiquier politique au détriment d’un Etat stratège qui développe et soutient les politiques industrielles. Dans ce pilotage à vue, les grandes entreprises deviennent des hochets aux mains du pouvoir. Un témoignage édifiant.

Marie-Claude Bernard
( Mis en ligne le 21/05/2013 )
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