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Histoire & Sciences socialeset Poches  

Les Etrusques
de Dominique Briquel
PUF - "Que sais-je ?" 2005 /  8 €- 52.4  ffr. / 126 pages
ISBN : 2-13-053314-0
FORMAT : 11,5cm x 17,5cm

L’auteur du compte rendu : Christophe Badel, professeur d'histoire romaine à l'Université de Rennes II, est un spécialiste des structures politiques et sociales de la Rome impériale. Il a étudié le modèle social de la noblesse romaine dans La Noblesse de l'Empire romain. Les masques et la vertu (Champ Vallon, 2005). Il a aussi dirigé un recueil de documents, Sources d'histoire romaine, Ier siècle av. J.-C.-début du Ve siècle apr. J.-C. (Larousse, 1993), et rédigé plusieurs ouvrages liés au programme de l'agrégation et du CAPES (dont L'Empire romain au IIIe siècle après J.-C., Textes et documents, SEDES, 1998).

Un peuple pas si mystérieux...

Auprès du grand public, les Étrusques passent encore pour un peuple "mystérieux" alors qu'en réalité les travaux des historiens et des archéologues ont largement enrichi nos connaissances depuis un demi-siècle.

Au sein de la collection de synthèse à destination des étudiants, «Que sais-je?», l'ouvrage classique de R. Bloch sur le sujet remontait à 1954. Le besoin d'une actualisation s'imposait donc. Professeur de latin à la Sorbonne, directeur du centre "Archéologies d'Orient et d'Occident" à l'École normale Supérieure, D. Briquel s'est affirmé comme l'un des plus brillants étruscologues de sa génération. Spécialiste du problème des origines des Étrusques, il est déjà l'auteur d'une synthèse sur cette civilisation, Les Étrusques. Peuple de la différence (A. Colin, 1993), rééditée sous le titre La Civilisation étrusque (Fayard, 1999).

Selon l'esprit de la collection, l'auteur nous offre un rapide panorama de cette culture en quatre chapitres. Fort logiquement, le premier aborde la question fort controversée de l'origine des Étrusques. Dès l'Antiquité, l'autorité d'Hérodote a imposé la théorie d'une immigration orientale venue de Lydie en Asie Mineure mais les fouilles archéologiques du XXe siècle ont radicalement changé ce point de vue. Les sites étrusques prenant sans rupture la suite des sites villanoviens, la culture antérieure, il faut plutôt envisager l'évolution culturelle d'un peuple autochtone sous l'influence gréco-orientale. Ainsi débutèrent au VIIIe siècle les "siècles d'or" des cités étrusques (deuxième chapitre). Leur aire d'expansion ne se limita pas à la Toscane actuelle mais s'étendit aussi à la plaine du Pô et à la Campanie. Dans chacune de ces zones, les cités étrusques étaient organisées en ligues de douze membres, les "dodécapoles" (encore que le fait ne soit certain que pour la Toscane), mais ces structures étaient fort lâches.

C'est cette division qui explique à terme la disparition des Étrusques en tant qu'entité politique indépendante (troisième chapitre). Dès la fin du Ve siècle, les invasions celtiques en Italie du Nord et le réveil de l'élément indigène en Campanie entraînèrent la fusion des Étrusques avec les nouveaux peuples dominants. Quant à la Toscane, elle fut soumise progressivement par les Romains (396-264), les Étrusques se révélant incapables de s'unir face à la menace. Intégrées dans l'ensemble romain, les cités étrusques conservèrent leur autonomie mais connurent une lente et inexorable romanisation : l'usage de la langue étrusque disparut peu à peu au Ier siècle av. J.-C. L'étude de la langue constitue précisément le thème du quatrième et dernier chapitre. Issue du substrat pré-indo-européen, elle ne ressemble à aucune autre langue connue et reste toujours difficilement déchiffrable. Il est certain qu'elle appartient au groupe des langues agglutinantes mais aucune "Pierre de Rosette" bilingue n'a permis d'en livrer la clef.

D. Briquel sait démêler ces matières complexes avec clarté et brio. Son exposé fait une large part aux aspects économiques car l'Étrurie tira une grande partie de sa puissance de sa production métallurgique (centrée autour de l'île d'Elbe) et de son commerce en Méditerranée, qui entraîna parfois des heurts avec les Grecs. Il sait surtout redonner aux débats leur véritable sens. Les polémiques sur l'origine tournent à vide si l'on comprend qu'un peuple naît toujours de la fusion entre divers apports. Rome n'a jamais été dominée par les Étrusques si l'on voit que l'épopée des rois étrusques (616-509) se limita aux destins individuels de quelques condottieri. L'influence étrusque sur Rome n'en est pas moins certaine, spécialement dans le domaine des insignes du pouvoir (faisceaux), et les Romains ne le nièrent jamais. C'est même grâce à l'État romain que l'un des aspects les plus originaux de leur culture, l'haruscipicine, c'est-à-dire la lecture de la volonté divine dans le foie des animaux, connut une longue survie. Un corps public d'haruspices était recruté par Rome en Étrurie et ceux-ci eurent un rôle actif aux côtés des derniers défenseurs du paganisme romain au IVe siècle. C'est le triomphe du christianisme, et non pas la conquête romaine, qui mit un point final à la civilisation étrusque.

Christophe Badel
( Mis en ligne le 18/12/2005 )
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