L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Poches  

Le Ressentiment dans l'Histoire - Comprendre notre temps
de Marc Ferro
Odile Jacob - Poches 2008 /  7,50 €- 49.13  ffr. / 223 pages
ISBN : 978-2-7381-1874-5978-2-7381-2161
FORMAT : 10,5cm x 17,5cm

Première publication en avril 2007 (Odile Jacob).

L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer, conservateur en chef aux Archives nationales, est professeur associé à l'université de Paris I. Elle a notamment publié Fléaux et société. De la Grande Peste au choléra. XIVe-XIXe siècles (Hachette, 1999) et un Richelieu chez Flammarion (2005).


Quand le passé nous tient...

Le titre de cet ouvrage de Marc Ferro en exprime parfaitement le dessein et le propos : fournir par une leçon d’histoire une clef pour la compréhension de notre présent ; car l’Histoire a-t-elle une autre finalité que de nous faire accéder à nous-mêmes ? Pour ce faire, il institue les blessures qui s’expriment a posteriori sous la forme du ressentiment, en facteur d’explication susceptible d’éclairer non seulement les destins individuels, mais aussi les histoires collectives. Né d’un traumatisme, d’une infériorité, d’une humiliation, le ressentiment survit à bas bruit et n’attend que quelque condition plus favorable pour se transformer en déflagrant explosif : guerres, révolutions, conflits de toutes natures, fascisme, racisme s’alimentent à cette force qui chemine souterrainement pour resurgir dans la violence à la surface de l’histoire.

Marc Ferro propose à son lecteur de l’accompagner sur quatre grandes pistes illustratives : esclavage et persécutions lus comme un millénaire de ressentiments, les révolutions (celles de 1789, de 1917, de 1968, mais aussi la révolution nationale) vues comme l’expression extrême du ressentiment, la tradition conservatoire de la mémoire nationale (avec les cas de la Pologne, de l’Autriche, de la France et de l’Angleterre, de l’Allemagne et de la France), l’avatar contemporain du postcolonialisme et du communautarisme enfin.

Le propos est fort large et le lecteur doit s’accorder à la virtuosité de l’auteur qui le conduit à adhérer à sa démonstration à travers vastes synthèses et anecdotes illustratives, notamment dans le domaine de l’histoire contemporaine où il se meut avec l’aisance, mais parfois l’allusivité entendue du spécialiste. Les exemples sont choisis judicieusement et efficacement, et les inévitables simplifications ou impropriétés langagières que l’on peut chacun dans son petit domaine cuistrement relever n’entachent pas la performance d’une synthèse qui se coule dans le moule d’un ouvrage qui vise à atteindre un large lectorat, et dont l’existence en tant que tel est le plus bel hommage que l’on puisse rendre à sa volonté de démontrer l’utilité compréhensive de l’histoire. Sa lecture achevée, on ne pourra plus ignorer la puissance du ressentiment comme facteur, comme carburant même, de la psychologie historique collective.

Permettons-nous cependant un regret : pour que la leçon soit complète, pourquoi avoir éludé la question des récentes lois mémorielles et de leur impact sur l’enseignement de l’histoire, qui est à proprement parler au cœur du sujet dont elle incarne l’actualité professionnelle pour la communauté même des historiens ?

Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 21/10/2008 )
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