L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Antiquité & préhistoire  

Saint Paul sur les routes du monde romain - Infrastructures, logistique, itinéraires
de Chantal Reynier
Cerf - Lire la Bible 2009 /  20 €- 131  ffr. / 293 pages
ISBN : 978-2-204-08832-9
FORMAT : 13,5cm x 21,5cm

L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions d’histoire des religions et d’histoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages d’initiation portant notamment sur le Moyen Age et sur l’histoire de l’art.

Hors du voyage, pas d’Évangile

Combien de kilomètres l’Apôtre des Gentils aura-t-il parcourus au cours des trente années de son activité missionnaire ? Une constante que les déplacements dans la vie de l’infatigable prédicateur. Sur toutes les routes, terrestres et maritimes, du monde gréco-romain. Par tous les moyens de transport connus à son époque : même si, comme la plupart de ses contemporains, il marche à pied sur les itinéraires terrestres, c’est par bateau qu’il se déplace le plus sûrement d’un centre à un autre, ce qui lui vaut d’acquérir une compétence reconnue de nautonier.

Le livre de Ch. Reynier peut se lire à un double niveau : d’un côté une description matérielle des moyens de communication et de l’art de s’en servir dans le monde méditerranéen du Ier siècle, et par ailleurs le point sur ce qu’on sait (et ce qu’on aimerait bien savoir…) des itinéraires parcourus par saint Paul. L’auteur nourrit son exposé des données fournies par des sources de toute nature : les textes néo-testamentaires (les Épîtres lui apparaissant comme plus fiables pour son propos, parce que meilleurs reflets du vécu, que les Actes), la variété des sources littéraires contemporaines (témoignages d’expériences réelles et œuvres de fiction), les apports de l’archéologie, et aussi la prise en compte des conditions géographiques.

Sans doute n’y a-t-il pas dans tout cela de révélation, toutes ces disciplines ayant été déjà utilisées par d’autres chercheurs. Mais le grand mérite de cet ouvrage, d’une lecture parfaitement aisée, est d’en fournir une synthèse, et de l’appliquer aux déplacements de cet exceptionnel voyageur que fut Paul. Le lecteur l’accompagne dans les deux composantes du voyage antique : l’espace et le temps, vécus avec un dénominateur commun, celui de la durée nécessaire à aller d’un point à un autre, bien plus significative qu’une distance exprimée en mesures de longueur.

L’efficacité de l’apôtre – la seule motivation de ses déplacements est de porter l’Évangile aux «Nations», même quand il est en état d’arrestation ‑ se révèle notamment dans l’habileté avec laquelle il choisit les bases géographiques de son apostolat : il prend ses points d’appui dans des agglomérations bien desservies par les voies de communication terrestres et maritimes. Paul, avec l’esprit pratique que relève l’auteur, s’inscrit ici en contradiction avec l’attitude de nombre de ses contemporains, pour lesquels les milieux populeux, vite interlopes, des villes portuaires, suscitent plus de rejet que d’attirance. Ch. Reynier l’imagine aussi utilisant ses déplacements pour affiner sa réflexion ; si l'on sort ici quelque peu du domaine purement historique, on peut admettre toutefois que dans la vie trépidante de cet acharné prédicateur-travailleur manuel et intellectuel, les temps d’inaction obligée, lors des traversées maritimes ou au cours de longues marches, aient été mis à profit pour mûrir la pensée théologique et pastorale.

L’apôtre est aussi un homme courageux. L’ouvrage le montre largement, la vie quotidienne de tout voyageur est tissée de difficultés mais aussi de réels dangers de toutes sortes. Par exemple, pas de repères précis pour savoir où l’on va ; tout événement météorologique (chaleur/poussière, pluie/boue, sans compter les caprices des vents) peut transformer le déplacement en désastre, en tous cas en lutte pour la survie. Il convient de faire preuve d’endurance physique et de ne pas manquer de courage moral. Et que dire des problèmes suscités par la difficulté de faire reconnaître son identité ? Une nécessité pour tout voyageur : s’appuyer sur des réseaux relationnels, qui lui apportent aide matérielle et soutien social. On sait avec quel bonheur Paul fonde son apostolat sur ces chaînes de solidarité humaine.

Au-delà d’un texte nourri d’une solide érudition, mention particulière doit être faite de la vingtaine de cartes fournies par ce livre. Illustrations des propos bien sûr, mais aussi enrichissement incontestable, visualisation de ceux-ci. D’un tracé toujours limpide, elles sont soulignées de commentaires brefs et précis.. Il est rare de trouver des tracés aussi lisibles des voies terrestres et maritimes, des ouvertures aussi bienvenues que par exemple cette représentation des différents espaces à travers lesquels les Anciens se représentent notre mer Méditerranée. Et quelle attention aux données de la géographie, portée notamment à travers les croquis des vents et des courants maritimes dominants ! On en oublierait la précision avec laquelle sont localisées les étapes des voyages de Paul… Un souci pédagogique remarquable auquel s’ajoute une bibliographie thématique et raisonnée.

Voilà un ouvrage d’histoire qui, sans se vouloir biographique et moins encore hagiographique, en apprendra beaucoup sur l’environnement et les conditions de vie quotidiennes du grand fondateur.

Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 19/05/2009 )
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