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Idylles - Bilingue grec-français
de Théocrite
Les Belles Lettres - Classiques en poche 2009 /  9 €- 58.95  ffr. / 254 pages
ISBN : 978-2-251-80004-2
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de l’I.E.P. de Toulouse, est titulaire d’une maîtrise en histoire ancienne et d’un DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de l’Institut Régional d’Administration de Bastia et ancien professeur d’histoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne.

Aux origines de la bucolique

L’édition de poche des Idylles de Théocrite ne présente malheureusement que les onze premières d’entre elles. Le texte et la traduction (de Philippe-Ernest Legrand) sont repris de l’édition de la Collection des Universités de France (deux volumes publiés pour la première fois en 1925 et 1927 : le premier consacré à Théocrite, le second à Bion, Moschos et aux idylles théocritéennes considérées comme apocryphes). Ils ont néanmoins été revus par Françoise Frazier, professeur de littérature grecque à l’Université Paris X Nanterre, qui signe également l’introduction et les notes. La trentaine d’Idylles transmises sous le nom de Théocrite peut se décomposer en mimes proprement bucoliques (I, III-VII, XI), mimes agrestes ou citadins (II, X, XIV, XV), éloges (XVI, XVII), poèmes mythologiques (XIII, XVIII, XXII, XXIV, XXVI), et poésie pédérastique (XII, XXIX, XXX) ; enfin La Quenouille (XXVIII), offerte à l’épouse de son ami, le médecin Nicias, est classée comme «poésie de circonstance». Sont généralement considérées comme apocryphes les idylles VIII, IX, XIX, XX, XXI, XXIII, XXVII.

Le présent volume envisage autant la «bucolique» de Théocrite que sa postérité dans la littérature européenne : c’est pour cette raison qu’on y trouve uniquement les textes utilisés par Virgile (I-XI). La conséquence majeure de ce choix est la réintégration des Idylles VIII et IX, alors même que leur authenticité ne trouve guère de défenseurs, parce que, à l’évidence, elles appartenaient au recueil lu par le poète de Mantoue (tout comme l’idylle II, Les magiciennes, qui n’est pas bucolique). De même, dans l’idylle X (Les moissonneurs), les pâtres cèdent la place à des personnages plus hésiodiques que bucoliques. Cela témoigne également du flou qui entoure encore la bucolique à ses débuts, même si ce genre peut se définir comme une poésie prenant pour sujet la vie des champs, et plus particulièrement celle des pâtres et des bouviers (boukoloi).

De Théocrite, qui appartient avec Callimaque et Apollonios de Rhodes à la première génération alexandrine, la tradition ne nous apprend pas grand-chose. Il connut son heure de gloire autour de 280-275 av. J.-C., ce qui le ferait naître vers 315-305. Il serait originaire de Syracuse et aurait quitté la Sicile faute d’avoir réussi à obtenir le soutien du tyran Hiéron. La Souda signale toutefois une tradition concurrente selon laquelle il serait originaire de l’île de Cos. Il se rendit à Alexandrie où il devint l’un des protégés de Ptolémée Philadelphe (dont il fit l’éloge dans les idylles XVI et XVII).

Ce sont uniquement dans les scholies que les poèmes de Théocrite sont désignés comme des «idylles». La tonalité qu’exprime notre moderne adjectif «idyllique» (apparu seulement en 1845) était déjà sensible aux Anciens eux-mêmes, qui rattachaient le mot d’«idylle» à l’idée de suavité et à un chant évoquant la joie et la douceur de vivre. Mais selon une autre étymologie, le mot renvoyait à une «petite pièce», un poème court témoignant du goût alexandrin pour la miniaturisation. Les Idylles de Théocrite présentent cependant une grande liberté stylistique ou formelle, prenant tour à tour pour modèles les hymnes, les monologues ou les dialogues, les chants alternés voire les joutes poétiques, les éloges ou les descriptions. Ces sujets plus «bas» ont sans doute contribué à faire naître l’idée d’un «réalisme» hellénistique, notion en fait anachronique et trompeuse. L’effet de réel vient surtout de l’insistance sur des détails tirés de l’expérience commune et du souci de la vraisemblance.

Pas plus que l’idylle, le genre bucolique n’existait encore avant Théocrite, et le mot n’apparaît que dans le texte de trois idylles (I, V et VII). Des récits d’origine de la bucolique évoquent la figure d’Artémis, déesse liée à la nature sauvage et aux espaces agrestes, mais Théocrite ne l’évoque pas dans ses poèmes. Il accorde en revanche une place plus importante à Daphnis, fils d’Hermès, et à Comatas, fondateurs mythiques de la bucolique selon d’autres récits.

Il demeure que la poésie de Théocrite, qu’elle évoque les champs, les villes ou le monde lointain des héros, est toujours pleine de vie et d’esprit. Talentueux, le poète sait aussi faire preuve de malice et d’espièglerie. On trouve des échos de sa poésie chez Bion de Smyrne et Moschos de Syracuse, tous deux poètes bucoliques, chez Virgile (notamment dans les Bucoliques et les Géorgiques), mais aussi dans le roman de Longus, les Pastorales ou Daphnis et Chloé.

Sébastien Dalmon
( Mis en ligne le 23/06/2009 )
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