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Virgile dévoilé
de Fulgence
Presses universitaires du Septentrion - Mythographes 2009 /  25 €- 163.75  ffr. / 220 pages
ISBN : 978-2-7574-0091-3
FORMAT : 16cm x 24cm

Présenté et annoté par Étienne Wolff, postface de Françoise Graziani.

L’auteur du compte rendu : Yannick Durbec, professeur agrégé de Lettres Classiques, Docteur ès Lettres, enseigne en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles.


Fulgence dévoilé

Ce volume est le premier de la nouvelle collection «Mythographes», publiée par les Presses universitaires du Septentrion. Cette série bilingue comportera à terme les principaux textes mythographiques de l’Antiquité à la Renaissance. C’est une entreprise qu’il convient de saluer, car elle rend accessible au lecteur français une tradition savante d’une très grande richesse.

Le premier tome est consacré à l’édition, à la traduction et au commentaire du Virgile dévoilé de Fulgence. Tout ce que nous savons de l’auteur est tiré de son œuvre. Avec une grande clarté, E. W. dresse l’état de nos connaissances. La liste des œuvres attribuées à Fulgence pose problème. En effet, les Mitologiae, l’expositio Virgilianae continentiae et l’expositio sermonum antiquorum, transmis par un même manuscrit, sont attribués à Fabius Planciades Fulgentius, tandis que le De aetatibus mundi et hominis aurait pour auteur un Fabius Claudius Gordianus Fulgentius et le Super Thebaidem aurait été écrit par l’évêque saint Fulgence. L’attribution du Super Thebaidem au mythographe est maintenant rejetée, alors que le De aetatibus semble avoir le même auteur que les trois autres traités.

L’époque à laquelle vécut Fulgence le mythographe peut être déterminée à l’aide de quatre faits. Il utilise d’une part Martianus Capella, connaît les écrits d’Orose et le Commentaire au songe de Scipion de Macrobe. D’autre part, Boèce, dans la Consolation, se souvient de Fulgence. Le cadre chronologique ainsi délimité s’étend entre la deuxième moitié du Ve siècle et le début du VIe. Fulgence vécut en Afrique et, outre les textes conservés, aurait écrit des vers satiriques ou épigrammatiques et un Physiologus, consacré à la philosophie naturelle. Il se déclare chrétien. Son identification avec l’évêque Fulgence semble impossible, si l’on suit les études récemment consacrées à ce dossier.

Les Mitologiae, qui connurent un immense succès, résument et interprètent cinquante fables secundum philosophiam. L’expositio sermonum antiquorum est un glossaire de termes rares et le De aetatibus mundi et hominis est l’esquisse d’une histoire universelle, qui met en parallèle les âges successifs du monde et les étapes de la vie humaine. Ce livre est le premier texte lipogrammatique de l’histoire de la littérature. L’expositio Virgilianae continentiae reprend le motif de l’apparition d’un personnage antique, utilisé par Macrobe dans le Commentaire au songe de Scipion. Le spectre de Virgile révèle ainsi qu’il a voulu faire de l’Énéide un miroir de la vie humaine. Ce dialogue, au ton semi burlesque, souligne l’opposition radicale entre l’activité du poète et celle de l’interprète.

À la différence de ses prédécesseurs, Fulgence ne se livre pas à des explications littérales, grammaticales, mais propose une interprétation allégorique globale. Les stoïciens, les néo-platoniciens, les néo-pythagoriciens rendaient compte des mythes païens, et surtout d’Homère, par le recours à l’allégorie. Les Chrétiens, à la suite de Philon d’Alexandrie et d’Origène, se livraient à une lecture allégorique de la Bible. Virgile avait été commenté au IVe et au Ve siècles par Servius et Macrobe, mais le texte de Fulgence présente une double innovation. Il est en effet le premier à avoir appliqué la lecture allégorique à l’intégralité de l’Énéide et à donner une explication psycho-morale aux errances d’Énée, qui devient le symbole de la vie humaine. Fulgence est d’autre part le premier chrétien à commenter l’Énéide. L’allégorie a permis, dans un monde chrétien, de continuer à lire des livres d’auteurs païens. Le poète devient alors un sage et la poésie se doit de délivrer une vérité. L’Énéide est l’allégorie de la vie humaine, dont la perfection repose sur la sapientia et la virtus et ne s’atteint qu’à travers les trois âges de la vie. Dans le détail, l’exégèse – c’est ainsi que se traduit le terme expositio - est fondée sur une méthode étymologico-démonstrative. Les étymologies concernent presque exclusivement les noms propres.

Ce volume comporte en outre une édition commentée du Sur la Thébaïde du pseudo-Fulgence, d’une sélection des Étymologies d’Isidore de Séville consacrées à l’étymologie, aux poètes et aux «dieux des gentils», du proemium du commentaire de Bernard Sylvestre consacré à Martianus Capella, d’extraits de l’Interprétation de la Comédie de Dante, par Boccace, de notes et d’une postface de Françoise Graziani, intitulée «La parole voilée». Cette deuxième partie du livre permet au lecteur de comprendre les enjeux et les règles de l’allégorie.

Ce premier volume ouvre ainsi fort heureusement une série dont les prochains tomes sont attendus avec une réelle impatience.

Yannick Durbec
( Mis en ligne le 14/07/2009 )
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