L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Antiquité & préhistoire  

428 - Une année ordinaire à la fin de l'empire romain
de Giusto Traina
Les Belles Lettres - Histoire 2009 /  25 €- 163.75  ffr. / 282 pages
ISBN : 978-2-251-38099-5
FORMAT : 15cm x 21,5cm

Traduction de Gérard Marino

Préface de Gilbert Dagron

L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de l’I.E.P. de Toulouse, est titulaire d’une maîtrise en histoire ancienne et d’un DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de l’Institut Régional d’Administration de Bastia et ancien professeur d’histoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Inter-universitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne.


Le tour de l’Empire en 365 jours

Giusto Traina, professeur d’histoire ancienne à l’Université de Rouen, nous offre un livre au sujet original. Cette parution n’est pas complètement inédite, dans la mesure où il s’agit d’une traduction d’une œuvre initialement éditée en italien en 2007. Au lieu de s’intéresser à une date symbolique, une date de rupture comme 410 (sac de Rome par les Wisigoths d’Alaric) ou 476 ap. J.-C. (déposition de Romulus Augustule et fin de l’empire romain d’Occident), et de céder ainsi à la mode qui a vu fleurir à certaines périodes les ouvrages sur 1492 ou 1789, il s’intéresse à une année (presque) ordinaire à la fin de l’Empire romain. Le seul événement mémorable de 428 est en effet la chute du royaume d’Arménie, État-tampon avec les Perses Sassanides, qui ont finalement réussi à s’en emparer et à déposer le roi, installant à sa place un satrape iranien. Cet événement n’a en effet une importance primordiale qu’aux yeux des historiens locaux, comme Moïse de Khorène.

Renouant avec deux traditions bien antiques, celle des chroniqueurs et celle des itinéraires circulaires qu’affectionnaient les compilateurs, Giusto Traina nous propose un tour du monde romain et de ses marges en 365 jours, une vision instantanée où le lecteur découvre divers espaces, mais aussi les acteurs majeurs de l’époque, les grands témoins du siècle. Cet itinéraire fait ressortir des spécificités régionales en évitant l’écueil téléologique, sans laisser présager la fin de l’Empire qui intervient presque cinquante ans plus tard. L’unité de celui-ci n’est plus tout à fait évidente, mais son unicité reste un principe.

De l’Arménie, l’auteur nous guide vers la Syrie, avec ses cités (dont Antioche reste la plus importante) et ses institutions villageoises, ses stylites et ses monastères, le bilinguisme de ses élites, sa démographie en expansion, sa place stratégique face à la Perse et au contact des tribus arabes. Ensuite, on voyage avec le nouveau patriarche de Constantinople, Nestorius, sur les routes d’Asie Mineure, lors de son voyage vers le siège de son patriarcat. On passe alors tout naturellement à l’évocation de la capitale orientale, Constantinople, où les fondations pieuses commencent à structurer le parcellaire urbain autour d’églises ou de monastères, notamment grâce à l’action de la sœur de l’Empereur d’Orient Théodose II, la pieuse Augusta Pulchérie. C’est l’occasion de se livrer à une anatomie de l’Empire divisé en deux parties par Théodose le Grand : une partie orientale sous l’autorité de Théodose II, et une partie occidentale où règne Valentinien III – mais où c’est sa mère, Galla Placidia, fille de Théodose le Grand, qui tient en réalité les rênes du pouvoir. L’évocation de l’impératrice Eudoxie, épouse de Théodose II, née à Athènes, permet de rappeler que dans la capitale attique, l’école platonicienne restait encore vivace.

Après la capitale de Constantin, Giusta Traina nous entraîne vers Ravenne, la nouvelle capitale de l’Empire d’Occident. S’appuyant sur un texte de Sidoine Apollinaire, il brosse une belle description de ce site marécageux, préfiguration de Venise. Il n’oublie pas de nous présenter également les zones de marges et les confins barbares, avec les peuples vivant hors de l’Empire. Avec l’un d’eux, les Vandales, nous passons en Espagne. Plus tard, ils s’emparent de l’Afrique, où en 428 le clerc le plus respecté d’Occident, Augustin de Thagaste, évêque d’Hippone, vivait encore, âgé de 74 ans. Dans ses lettres récemment découvertes se lisent les angoisses d’un évêque dont les fidèles sont confrontés à l’avidité des fonctionnaires du fisc et à des raids «barbares». L’Egypte présente un cas bien différent. Elles est bien connue grâce à une précieuse documentation papyrologique qui permet d’explorer les réalités institutionnelles, fiscales, villageoises et religieuses à un niveau où la plupart des sources des autres régions restent muettes. L’auteur nous entraîne ensuite à Jérusalem, à l’occasion des fêtes de Pâques, dans les lieux saints et dans ces communautés pluriethniques et plurilingues que décrivent si bien les hagiographes ou les pèlerins. Le dernier chapitre s’intéresse à l’empire rival, celui des Perses Sassanides gouverné par le Roi des Rois.

Cet ouvrage permet d’aller à la rencontre de personnages qui mènent d’ordinaire des existences séparées aussi bien dans la recherche spécialisée que la vulgarisation. Observer dans le même contexte et les mêmes conditions des hommes et des femmes appartenant à des mondes aussi disparates peut s’avérer révélateur. L’Empire romain est en effet encore conçu comme une référence, notamment dans le domaine politique.

Le livre comprend en outre une bibliographie d’une trentaine de pages, ainsi qu’une quinzaine d’illustrations en noir et blanc, notamment des monnaies, sans parler de l’index fort utile pour s’y retrouver dans ce foisonnement de personnalités, de lieux et de notions, à la fin de la troisième décennie du dernier siècle de l’Antiquité.

Sébastien Dalmon
( Mis en ligne le 01/12/2009 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)