L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Antiquité & préhistoire  

Les Dieux et les hommes
de Philippe Guisard , Christelle Laize et Collectif
Ellipses - Cultures antiques 2010 /  29 €- 189.95  ffr. / 453 pages
ISBN : 978-2-7298-6192-6
FORMAT : 14,5cm x 21cm

L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de l’I.E.P. de Toulouse, est titulaire d’une maîtrise en histoire ancienne et d’un DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de l’Institut Régional d’Administration de Bastia et ancien professeur d’histoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne.

Mortels et immortels

Christelle Laizé et Philippe Guisard, tous deux professeurs de lettres classiques en classes préparatoires littéraires, dirigent la collection ''Cultures antiques'' chez Ellipses, destinée à la préparation de l’épreuve de langues anciennes au concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure. Après un volume consacré en 2009 à L’Art de la parole, pratiques et pouvoirs du discours, ils nous offrent maintenant un ouvrage sur Les Dieux et les hommes dans l’Antiquité grecque et romaine, dans le droit fil du programme du concours 2012. Ce volume est dédié à la mémoire de Jacqueline Dangel, qui fut professeur à l’Université Paris IV – Sorbonne, où elle a co-dirigé la thèse de doctorat de Christelle Laizé. L’ouvrage rassemble une série d’articles qui sont autant de mises au point pluridisciplinaires touchant autant à la philosophie et aux arts qu’à la littérature, à la linguistique et à l’histoire. Les auteurs des différentes contributions sont issus à la fois du monde des universités et de celui des classes préparatoires, les étudiants de celles-ci étant appelés, pour la plupart, à fournir les contingents de celles-là.

La première partie traite des «Hommes face aux dieux». Après une mise au point de Michel Casevitz sur le vocabulaire grec pour désigner les dieux (theos), le sacré (hagios, hagnos, hosios) et les hommes (aner, anthropos), couplée à une présentation des principales divinités du panthéon, Franck Thénard-Duvivier se livre à un compte-rendu de la contribution de Mario Vegetti, «L’homme et les dieux», dans l’ouvrage collectif dirigé par Jean-Pierre Vernant, L’Homme grec (Seuil, 1993, pp.377-420). Antoine Contensou analyse de manière plus spécifique le rapport des hommes et des dieux dans la Théogonie d’Hésiode, notamment dans les mythes de Prométhée et de la création de la première femme (qui ne s’appelle Pandore que dans Les Travaux et les jours), qui permet de définir les trois traits principaux de la condition humaine : le sacrifice, l’usage du feu et le mariage. Mireille Coulomb s’intéresse davantage, en philosophe, au courroux et à la compassion des dieux face aux pouvoirs et aux faiblesses des hommes, se focalisant elle aussi sur le mythe de Prométhée, mais autant dans le Protagoras de Platon que dans les poèmes d’Hésiode.

La deuxième partie nuance la distinction entre les deux catégories en traitant des rares hommes devenant des dieux. Françoise Thélamon étudie la figure du souverain qui, du pharaon égyptien à l’empereur romain (païen puis chrétien), en passant par le roi mésopotamien et le basileus hellénistique, fait l’objet d’un culte ou est considéré comme un intermédiaire entre les hommes et le divin. Charles Delattre montre la difficulté de donner un statut unifié aux héros et aux demi-dieux, deux catégories qui ne se confondent pas toujours. Franck Thénard-Duvivier s’intéresse à la question des limites entre le divin et l’humain dans la culture des métamorphoses, en élargissant l’analyse jusqu’au Moyen Âge.

La troisième partie, «Les hommes s’adressent aux dieux», analyse différents modes de communication entre les deux catégories d’êtres. Danielle Porte étudie la fonction sacerdotale à Rome, où le prêtre apparaît surtout comme un magistrat chargé de veiller à l’orthopraxie des rituels. Charles Guittard traite quant à lui de la prière à Rome ; extrêmement codifiée, elle apparaît comme une forme de contrat entre l’homme et les dieux, l’exactitude de la formulation garantissant son efficacité. Élisabeth Gavoille s’intéresse de manière plus spécifique aux invocations à Vénus chez les poètes latins Lucrèce, Horace et Virgile. Virginie Subias-Konofal étudie quant à elle la notion de carmen latin, entre prière et poésie, mais sa bibliographie ignore curieusement la thèse récente de Maxime Pierre sur ce sujet (Université Paris 7 Diderot, 2008). Stéphanie Wyler rend compte, de son côté, des particularités de la relation entre l’homme et la divinité dans les «Religions orientales» et les cultes à mystères, qui sont loin de représenter un ensemble unifié qu’il conviendrait d’opposer à la «religion civique». Sophie Montiel analyse les statues divines en contexte, que ce soit dans les temples, en plein air ou même en milieu domestique.

La quatrième partie s’intéresse à la manière dont «Les hommes narrent les dieux». Monique Desjardins traite ainsi de la tragédie grecque, plus particulièrement de Dionysos dans les Bacchantes d’Euripide, tandis que Robert Alessi analyse les thèmes de la justice des hommes et de la justice des dieux au sein du même genre littéraire, à travers les exemples des Trachiniennes de Sophocle, des Phéniciennes d’Euripide et des Suppliantes d’Eschyle. Franck Aigon étudie le rapport des hommes et des dieux dans la philosophie à travers l’exemple du Phèdre de Platon, où apparaissent notamment Eros, Achéloos, les Nymphes, Pan ou les Muses. Sophie Rochefort-Guillouet nous raconte la manière dont la «folle Arachné» narre les aventures scandaleuses des dieux dans sa toile lors de sa confrontation avec Minerve, et la façon dont ce mythe ovidien évolue avec la christianisme, devenant une métaphore de l’artiste dans l’art baroque. Jean-Pierre de Giorgio analyse le thème de l’abandon des hommes par les dieux dans l’épilogue du poème LXIV de Catulle, qu’il met en rapport avec les guerres civiles de la fin de la République romaine.

La cinquième partie, «Les hommes et Dieu », passe de l’étude du polythéisme antique à celui du monothéisme chrétien qui se développe et finit par triompher dans le cadre de l’Empire romain. Étienne Wolff rend compte des débats entre Païens et Chrétiens sur la responsabilité des hommes ou des dieux dans la traumatisante prise de Rome de 410. Laurence Mellerin interroge autant en théologienne qu’en historienne «Le paradoxe christologique» d’un Dieu fait homme, en présentant huit siècles de réflexion aboutissant, au gré des différents conciles, à une compréhension cohérente de l’union, dans le Christ, de Dieu et de l’homme. Christine Sempéré et Philippe Le Moigne brossent un aperçu rapide des relations entre Dieu et les hommes dans la Bible, de la Genèse au Nouveau Testament. Aline Canellis s’intéresse aux relations entre Saint Jérôme et plusieurs matrones romaines, ainsi qu’à leur rapport à Dieu. La dernière contribution, celle d’Alice Lamy, déborde largement le cadre chronologique de l’Antiquité en analysant la relation à Dieu des hommes de science à l’Université de Paris, où l’élite scolastique reste très marquée par la philosophie aristotélicienne.

Chaque article est suivi d’une bibliographie succincte permettant d’aller plus loin, voire de repères chronologiques, de données biographiques, de définitions ou même de pistes de réflexion utiles au candidat au concours de l’Ecole normale supérieure. En cela, cet ouvrage remplit parfaitement son but. Les différents articles permettent une première approche des différents sujets abordés, mais les antiquisants confirmés pourront parfois la trouver un peu trop basique.

Sébastien Dalmon
( Mis en ligne le 04/10/2011 )
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