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L’Environnement religieux gréco-romain du christianisme primitif
de Hans-Josef Klauck
Cerf - Initiations bible et christianisme ancien 2012 /  44 €- 288.2  ffr. / 557 pages
ISBN : 978-2-204-09024-7
FORMAT : 15,5 cm × 23,0 cm

Joseph Hoffmann (Traducteur)

L'auteur du compte rendu : Emmanuel Bain est agrégé d’histoire et docteur en histoire médiévale. Sa thèse a porté sur «Église, richesse et pauvreté dans l’Occident médiéval. L’exégèse des Évangiles aux XIIe-XIIIe siècles».


Entre la Bible et la religion gréco-romaine

De Hans-Josef Klauck, professeur à la Divinity School de Chicago et spécialiste du Nouveau Testament, a récemment été traduit un livre sur Judas brillant par sa clarté. La même qualité se retrouve dans la traduction de cet ouvrage publié pour la première fois en allemand en 1995 et qui porte cette fois sur L’Environnement religieux gréco-romain du christianisme primitif.

Comme l’indique le titre, ce livre aborde principalement la religion gréco-romaine, étudiée dans le but de mieux situer dans leur contexte religieux historique les écrits néotestamentaires. Son point de départ est simple : les textes du Nouveau Testament ont été écrits en grec par des auteurs vivant dans le monde gréco-romain et donc au moins en partie imprégnés de cette culture ; plus encore, ils se sont diffusés dans ce monde païen, ce qui n’a pu se faire sans une forme d’inculturation. L’auteur reprend ainsi la perspective de l’école de «l’histoire des religions» qui s’était développée au début du XXe siècle à Göttingen, mais en l’élargissant à l’étude de la réception des textes bibliques. Par conséquent, comme il est nécessaire, pour comprendre le développement du christianisme aux premiers siècles, de connaître la religion gréco-romaine, ce livre voudrait «fournir à ceux qui étudient la théologie les informations de base nécessaires dans ce domaine» (p.7).

Cette présentation est toutefois un peu restrictive (et de ce point de vue sa publication dans la collection «Initiations Bible et christianisme ancien» aussi) car cette publication ne rendra pas seulement service aux théologiens mais à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’Antiquité. C’est en effet avant tout un manuel sur la religion gréco-romaine. Il est composé de six parties : la religion dans la vie quotidienne (les sacrifices, la religion domestique, le culte des défunts) ; les cultes à mystères ; la «foi populaire» (miracles, divinations, magie, astrologie) ; le culte des souverains ; les philosophies ; la gnose.

En raison de la problématique annoncée, il ne présente pas (sauf pour les mystères) les mythes et les dieux, ce que l’on trouve facilement ailleurs, mais fournit en revanche des synthèses bien commodes sur des sujets soit délicats (comme les mystères, mais surtout la gnose dont l’auteur est un excellent connaisseur), soit moins abordés dans les synthèses sur la religion (comme les cultes domestiques, les associations religieuses, les philosophies). Par ailleurs, l’auteur a eu la volonté de s’appuyer systématiquement sur des exemples précis et le plus souvent sur des textes connus, traduits et donc facilement accessibles.

De plus, l’auteur ajoute régulièrement des pistes, dans les introductions et les conclusions, pour replacer le christianisme dans ce contexte. L’idée essentielle est d’éviter les schémas simplificateurs : celui d’une dépendance du christianisme envers le paganisme comme celui d’une opposition radicale entre les deux. Si ces deux religions ont pu s’opposer, ce n’est pas aussi fortement que l’on a pu le penser (par exemple à l’égard du culte impérial), ni sans partager de nombreux points communs, au moins formels, comme dans la croyance aux miracles. En revanche, l’idée d’une influence déterminante des philosophies païennes ou des cultes orientaux est elle aussi contestée : «les emprunts conscients auront été sans doute davantage l’exception que la règle» (p.448) et les similitudes s’expliquent par des «convergences», sous l’influence de l’époque, de plusieurs mouvements différents. Malheureusement, ces quelques remarques demeurent rares et l’on regrette l’absence d’une conclusion générale qui aurait approfondi ces quelques pistes. Mais il est vrai que ce n’était pas l’objet de l’ouvrage qui entend modestement fournir du matériau pour les étudiants.

De ce point de vue, on doit néanmoins aussi noter quelques faiblesses : outre quelques approximations (par exemple sur le lien entre la gnose et les hérésies médiévales, ou sur les bœufs des bouphonia - le livre transcrit en «buphonia», ce qui est d’ailleurs un problème : les règles de translittération appliquées ne sont pas celles usuelles en France - athéniennes présentés à tort comme des taureaux), on constate que la bibliographie française est très largement ignorée (l’“école de Paris” n’est quasiment pas citée). Ce qui a une double conséquence : d’une part les longues listes bibliographiques, très utiles pour les lecteurs germanophones ou anglophones, le sont beaucoup moins pour un lecteur français (il aurait fallu au moins indiquer, quand elles existent, les traductions en français des livres cités en référence) ; d’autre part, certaines approches paraissent assez peu problématisées, comme le montre la notion, à nos yeux contestable, de «foi populaire». Inversement, ces bibliographies pourront guider des étudiants plus avancés vers les principales publications étrangères…

Emmanuel Bain
( Mis en ligne le 15/05/2012 )
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