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Histoire & Sciences socialeset Antiquité & préhistoire  

Fresques des villas romaines
de Donatella Mazzoleni , Umberto Pappalardo et Luciano Romano
Citadelles & Mazenod 2004 /  168 €- 1100.4  ffr. / 413 pages
ISBN : 2-85088-204-6
FORMAT : 29x35 cm

Une expérience extraordinaire : toucher les fresques des villas romaines

En cette année résolument tournée vers les merveilles transalpines, les éditions Citadelle et Mazenod nous offrent ce sublime Fresques des villas romaines aux dimensions imposantes.

Passée la couverture représentant un moineau picorant des fruits sur fond rouge vif, détail d’une fresque de la villa de Poppée à Oplontis, l’ouvrage s’ouvre sur une relative déception. L’essai liminaire de Donatella Mazzoleni, intitulé «L’art, l’espace, l’infini», est en effet bien étrange : le critère de sélection des fresques présentées et, au-delà, l’ambition des auteurs semblent pourtant simples et clairs : «on a retenu les œuvres susceptibles de montrer de façon significative comment l’espace architectural construit est intégré et amplifié par les espaces en trompe-l’œil peints à fresque sur les murs». La modestie du projet est d’ailleurs soulignée quelques lignes plus loin : «Nous n’examinerons pas ce matériel dans l’intention d’en faire une énième analyse historique, mais plutôt d’en ritualiser l’expérience esthétique». Dans ces conditions, on aurait pu croire et l’on était tout prêt à admettre que l’auteur s’efface derrière son sujet et que le lecteur soit simplement orienté, accompagné dans un labyrinthe de décors peints, de représentations toutes plus belles les unes que les autres. Mais c’était sans doute se méprendre sur le sens à accorder à l’expression «ritualiser l’expérience esthétique». En effet le texte nous entraîne dans une réflexion technique et volontiers jargonnante, qui se revendique explicitement du «structuralisme linguistique».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le propos n’est pas aisé à suivre ; en guise d’exemple, citons les quelques lignes dans lesquelles l’auteur prend le soin de définir sa méthode : «A partir de là, une analyse «métadisciplinaire» - c’est-à-dire ni purement architecturale ni purement picturale, mais bien «architecturalo-picturale» - nous aidera à descendre vers le cœur imaginaire d’où ce patrimoine artistique a tiré son origine». Et elle ajoute : «les instruments théoriques seront donc, pour la première partie de notre travail, ceux de l’iconologie architecturale et artistique, avec ses corollaires que sont l’archétypologie de l’espace et l’anthropologie de l’imaginaire». Ajoutez à cela quelques termes grecs non traduits et vous comprendrez l’ampleur de la méprise initiale : le projet n’était pas aussi simple qu’annoncé ! Quelques pages, en particulier celles qui examinent précisément les sites, situations et extensions de Pompéi, Herculanum et Rome, se comprennent avec moins de difficulté, mais l’ensemble demeure bien hermétique.

A ce premier texte succède le court essai d’Umberto Pappalardo, «La Domus romana, décor pictural et modèle de vie». Il s’agit en fait d’une excellente introduction, riche et précise, distillant ce qu’il est nécessaire de savoir sur les fresques romaines pour profiter pleinement de la richesse iconographique de l’ouvrage.

Mais, sans faire injure aux auteurs, il va de soi que ce ne sont pas ces deux essais introductifs qui font la qualité de l’ouvrage. Ce qui attire d’emblée le regard, ce sont les monographies consacrées aux peintures murales de quelques 28 villas d’Herculanum, Pompéi, et Rome. A chaque fois, des schémas précisément légendés, des photos d’ensemble et un court texte de présentation permettent de resituer dans leur contexte les fresques photographiées.

Car tel est bien, on l’aura deviné, le véritable objet de cet ouvrage : présenter le plus fidèlement, et serait-on tenté de dire, le plus luxueusement possible, des clichés des fresques des villas romaines. Gros plans, détails grandeur nature, ou à l’inverse plans d’ensemble en pleine page, rien n’est oublié pour frapper l’œil curieux du lecteur assoiffé de couleur, de formes, de décors mythologiques ou champêtres, et satisfaire sa curiosité. La principale originalité, qui fait tout le prix de l’ouvrage, vient du papier utilisé. En effet, nombre d’illustrations – le terme est mal choisi puisque l’iconographie constitue en vérité le cœur de l’objet - sont imprimées sur un papier exclusif baptisé «Tintoretto», qui tend à refléter la matière des fresques. Le résultat est saisissant : on a vraiment l’impression de toucher une paroi peinte ; il ne manque que la sensation de froid. Et au fil des pages, on croit goûter à un plaisir interdit : au cœur de l’ouvrage, effleurer, caresser les parois du triclinium – équivalent de la salle à manger - de la villa de Livie à Prima Porta, devient licite. Du rouge de la villa de Poppée au blanc de la Villa sous la Farnèsine, et passant par le bleu de la villa de Livie à Prima Porta, le rendu des couleurs est superbe. Les clichés sont d’une qualité exceptionnelle, les scènes représentées, particulièrement touchantes.

Feuilleter ces pages d’illustrations et s’attarder sur les explications qui les accompagnent est un plaisir sans fin qui fait définitivement oublier les préventions que l’on a pu avoir à l’encontre du texte liminaire. Le cœur de ce livre n’est pas là : il bat plus loin dans ces pages qui demandent à être caressées et contemplées longuement avant de se livrer totalement.

Raphaël Muller
( Mis en ligne le 22/12/2004 )
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