Histoire & Sciences sociales
Antiquité & préhistoire de John-P. Meier
Cerf - Lectio Divina 2005 / 80 €- 524 ffr. / 1329 pages
ISBN : 2-204-07037-8
FORMAT : 16x23 cm
L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions d’histoire des religions et d’histoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages d’initiation portant notamment sur le Moyen Age et sur l’histoire de l’art.
Jésus : un prophète du Ier siècle
Ce deuxième volume de l’approche purement historique du personnage de Jésus tient les engagements pris par le premier, publié en traduction française il y a quelques mois. Oubliant volontairement qu’il est un exégète confirmé, l’auteur recherche ce que l’historien, nanti des outils textuels, archéologiques, linguistiques et autres que lui fournissent les sciences profanes, peut apprendre de ce juif du Ier siècle que fut un certain Jésus.
Après l’exposé méthodologique, l’exposé des sources portant notamment sur les années de formation et l’analyse des données permettant de dater les événements fondateurs, sur lesquels se terminait le volume précédent, avec ce tome II, nous entrons dans ce que l’on désigne traditionnellement comme «la vie publique» de Jésus. Trois grands thèmes : les rapports avec Jean le Baptiste, les discours sur «le Royaume de Dieu», et un minutieux examen des miracles. La présentation formelle du livre, que l’on peut utiliser à deux niveaux, est la même que précédemment : une grosse moitié du volume pour le texte proprement dit, érudit sans doute, mais accessible à tout lecteur intéressé par le sujet ; une petite moitié pour les notes, permettant à l’auteur de justifier ses positions, discuter les opinions contraires aux siennes, suggérer des pistes de recherche et au spécialiste d’aller plus loin sur tel ou tel sujet. Présentement encore, les traducteurs français ont fait plus qu’une simple transcription en ajoutant une bibliographie complétée et adaptée, voire leurs propres commentaires. La qualité de l’apparat critique va de soi ; l’index terminologique, notamment, fruit d’une analyse fine de l’œuvre, rendra de grands services. En somme, un savant travail d’érudition.
Quant au fond, on ne saurait en rendre compte en quelques lignes. L’auteur, malgré les doutes que peuvent avoir eu à ce sujet quelques chercheurs, croit en l’historicité du baptême de Jean reçu par Jésus, vers l’an 28, dans une démarche que faisait déjà un certain nombre de juifs pieux et que les disciples de Jean poursuivront après la disparition de celui-ci. La personnalité du Baptiste est campée de façon vigoureuse par J. P. Meier : un prophète eschatologique, annonçant l’imminence du jugement par le feu. Quant à la théophanie signalée par les synoptiques lors du baptême de Jésus, quel que soit le sens qu’on lui donne, elle marque, historiquement, la volte-face du pieux artisan du bois, jusqu’alors sans histoire, se métamorphosant en prophète.
Mais si d’une certaine façon il prolonge la prédication de Jean, Jésus, lui, va annoncer un concept complètement nouveau : celui du «Royaume de Dieu». Sans doute l’Ancien Testament, les pseudépigraphes, Qumran connaissaient-ils, avec des expressions proches, une espérance voisine. Mais le Royaume de Jésus reste une notion bien difficile à cerner : il est à venir, mais en même temps déjà présent. Les Béatitudes, toutes chargées de paradoxes, lui servent de règles, mais pour le définir, il faut faire appel à des comparaisons (le Royaume de Dieu est comme…). Et comment se situe, dans cette prédication parfois contradictoire, le juif Jésus, qui s’y révèle comme une personnalité particulièrement complexe ?
Pas moins de 7 chapitres sont consacrés aux miracles, ces événements extraordinaires, hors norme, contre lesquels les esprits positifs que sont les nôtres regimbent, leur cherchant – et trouvant parfois à grands frais – des explications naturelles, rationnelles. Ici encore J.P. Meier s’élève au-dessus des impressions immédiates et terre à terre et invite son lecteur à enquêter dans le monde des prodiges et faits inexplicables, tel qu’on le voyait dans l’Antiquité et tel qu’on peut l’analyser de nos jours. Les traditions païennes (la magie égyptienne est une donnée maintenant bien explorée) et juives apportent leurs éléments, permettant notamment de distinguer miracle et magie. L’auteur dresse alors un inventaire raisonné des miracles attribués à Jésus, analysés un par un dans leurs différentes traditions textuelles, les classant en exorcismes, guérisons, résurrections de morts, miracles de (on pourrait dire : sur) la nature.
Quelle perception les contemporains de Jésus, et Jésus lui-même, pouvaient-ils avoir d’une prédication appuyée sur de tels discours et actes ? Le décor est pour ainsi dire planté pour que se déroule un drame dont le prophète charismatique va être l’enjeu et le héros. Ce sera l’objet de la suite d’une étude qui va pouvoir s’élargir aux autres groupes et personnages.
Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 16/05/2005 )
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