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Histoire & Sciences socialeset Antiquité & préhistoire  

La Bible avant la Bible - La grande révélation des manuscrits de la mer Morte
de André Paul
Cerf 2005 /  28 €- 183.4  ffr. / 266 pages
ISBN : 2-204-07354-7
FORMAT : 15x22 cm

L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions d’histoire des religions et d’histoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages d’initiation portant notamment sur le Moyen Age et sur l’histoire de l’art.

Pour une Bible tritocanonique ?

Par deux fois, le mot «Bible» est utilisé dans le titre de cet ouvrage, alors qu’il n’apparaît pas avant le XIIe siècle (de notre ère) et dans un contexte chrétien ; il est ici mis en relation avec des documents textuels, certes sacrés, mais juifs, et datés en gros du Ier siècle… Et pourtant c’est bien à la découverte de ce qu’était l’écriture biblique avant que n’en soit définis les canons ‑ telle par exemple que les juifs contemporains de Jésus la connaissait ‑ qu’introduit ce livre, donné en ouverture à la publication bilingue des textes qumraniens qu’entreprennent les éditions du Cerf sous la direction d’André Paul.

Bref retour en arrière pour comprendre les enjeux. Lorsque furent découverts, il y a une soixantaine d’années, les premiers rouleaux de la mer Morte, on crut avoir mis la main sur les écrits du mouvement essénien, connu auparavant par des sources seulement indirectes. Mais les trouvailles se multipliant et les archéologues s’étant livrés à une travail approfondi de mise en situation des lieux et des sites, il a fallu réviser l’enthousiasme premier, ou plutôt rectifier son objet. À ce jour, 800 rouleaux ont été retrouvés, 200 seulement étant véritablement «bibliques», et seule une faible partie d’entre eux reflètent une mentalité particulière. En place de la bibliothèque d’une secte, il semble bien qu’on ait trouvé, dans des sites quelque peu dispersés, des textes que des gens de Jérusalem et de Jéricho auraient cherché à mettre en lieu sûr devant la menace romaine, vers 68.

Alors, quel est leur intérêt ? D’abord, on peut mettre en avant, en sus des nouveautés indéniables, même si elles sont moins nombreuses qu’on a pu le croire, le fait que les écrits qumraniens livrent parfois des textes dont on ne possédait que des recensions lointaines : par exemple Hénoch, les Jubilés, connus autrefois seulement par des versions éthiopiennes. Mais surtout ils livrent un état des livres que les juifs du Ier siècle considéraient comme inspirés à cette époque où il n’existait pas de canon formel. Ils nous permettent de plonger dans toute sa vigueur dans une mentalité pré-chrétienne et pré-rabbinique encore intacte. Aux chercheurs du XXIe siècle, ils permettent de traiter différemment «du canon biblique, de sa formation et de sa fonction» (p.209). C’est ce qu’expose A. Paul dans ce livre érudit qui dresse le catalogue commenté des apports

On sait que les bibles protestantes rejettent la canonicité d’un certain nombre de livres appartenant à la Bible catholique, qualifiés de «deutérocanoniques» (Judith, le Livre de la Sagesse, etc.) et parfois simplement donnés comme des annexes «apocryphes» au texte sacré. André Paul, familier depuis toujours des écrits qumraniens, se prend à rêver de la constitution d’une bible «tritocanonique», qui intégrerait Livre des Jubilés et Rouleau du Temple. Passionnant chantier en ouverture à la collection qu’il dirige.

Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 27/05/2005 )
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