L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Antiquité & préhistoire  

Assurbanipal, roi d'Assyrie
de Daniel Arnaud
Fayard 2007 /  24 €- 157.2  ffr. / 309 pages
ISBN : 978-2-213-63146-2
FORMAT : 14,5cm x 22,5cm

L'auteur du compte rendu: Gilles Ferragu est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris X – Nanterre et à l’IEP de Paris.

Dans l’intimité du roi des rois

Des Assyriens, l’Histoire nous a légué des vestiges contrastés : de fantastiques bas reliefs qui nous découvrent une société obnubilée par les arts de la guerre, des statues colossales et sans âme, des tablettes nombreuses (ou trop rares), et quelques ustensiles de la vie courante… Pas grand chose en somme pour appréhender dans sa complexité une civilisation héritière de Sumer et étalée sur tout le proche Orient… et dont l’image fut longtemps tributaire de la réputation qu’en a laissé la Bible. Néanmoins, Daniel Arnaud, directeur d’études à l’EPHE et spécialiste du Proche Orient ancien, entreprend, dans cette biographie d’Assurbanipal (668-630), souverain emblèmatique des Assyriens, de retracer un «siècle assyrien» de l’Orient, afin d’entrevoir, un peu, les allures d’un peuple qui nous semble si éloigné, aux portes mêmes de l’Histoire de la civilisation.

D’emblée, l’ouvrage, méthodiquement, expose les sources archéologiques, rares, les problèmes de langue (l’araméen s’impose, l’assyrien demeurant une langue au symbolisme politique), de style (très concis) des documents, qui ne prètent guère à l’analyse herméneutique, la question des supports (ou plutôt de leur disparition, comme le papyrus : seule l’argile demeure), les interrogations diverses et non résolues… Et de fait, cette biographie pose peut-être plus de questions qu’elle n’en résoud. Car le 1er millénaire est loin, les civilisations se sont succédées dans le croissant fertile, et la mémoire des Assyriens s’est réduite à peu de choses.

Il s’agit en fait, au prétexte d’une biographie d’Assurbanipal, d’une histoire des Assyriens durant ce long règne. Aux côtés de Daniel Arnaud, le lecteur parcourt l’immense empire assyrien, «grand tour» qui commence, dans un premier temps, par Ninive et son palais royal, à la rencontre d’un souverain lettré, versé dans la divination plutôt que dans la guerre, à la fois religieux et circonspect à l’égard de la superstition. Un souverain dont on découvre la dynastie (mais la mémoire dynastique est courte), la formation, les complexités de la «nomination» (il n’était pas l’aîné de sa fratrie), les responsabilités et les conceptions du pouvoir. On apprend aussi les complots, les moyens (administratifs, militaires, fiscaux) dont il dispose ainsi que les conceptions politiques et religieuses (la parenté divine, mise en scène par la religion et des rituels dont nombre d’éléments nous échappent). On découvre également les problèmes posés par le polythéisme dans la légitimation royale, tant les dieux sont nombreux et en lutte dans cet empire, vaste.

Dans un deuxième temps, il s’agit de partir dans l’empire, depuis les provinces éloignées et rétives (comme l’Egypte) jusqu’au joyau de l’empire, la Babylonie (un joyau tout aussi rétif, au sentiment national fort, et qui se lance, durant le règne, dans une véritable guerre de secession menée par le propre frère du roi). Il s’agit de comprendre comment fonctionne un empire alors : quelle est sa cohérence administrative, comment le roi se fait-il respecter et de quelles structures dispose-t-il ? Quels sont enfin les peuples qui vivent sous cette couronne, des peuples aux noms connus (égyptiens, philistins, …) ? Car l’empire assyrien, impérialiste, ne lésine pas sur les moyens pour soumettre des populations : déportations massives, pillage des cités vaincues, capture des dieux ennemis, emprisonnement dans des cages, massacre divers, tortures et supplices à profusion… Certes, l’époque est rude et l’Etat, naissant, mais la violence semble intrinsèquement liée au modèle assyrien.

Ce modèle assyrien, voire cette «nation» assyrienne, fait l’objet de la quatrième et dernière partie : on pénètre enfin dans ce «pays d’Assur» et dans sa capitale Ninive, dont les jardins et la bibliothèque furent célèbres, en quête de renseignements sur la population, ses mœurs, ses coutumes, ses conceptions, sa culture au final. Encore une fois, dans la limites des trouvailles archéologiques (presque 5000 documents administratifs furent exhumés au XIXe siècle), ce voyage dans le premier millénaire avant notre ère s’avère très convaincant.

Equipé de cartes en annexes, ainsi que d’un (maigre, trop maigre) cahier photographique, cet ouvrage, écrit de manière sobre, tourné vers le questionnement et la description d’une société désormais lointaine, est une bonne introduction à l’histoire d’un proche Orient très ancien, accessible aux amateurs de temps bibliques et antiquisants néophytes en quête d’exotisme historique.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 29/05/2007 )
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