L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Antiquité & préhistoire  

La Véritable histoire de Sparte et de la bataille des Thermopyles
de Jean Malye
Les Belles Lettres 2007 /  22 €- 144.1  ffr. / 328 pages
ISBN : 978-2-251-44321-8
FORMAT : 16,5cm x 23,5cm

L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de l’I.E.P. de Toulouse, est titulaire d’une maîtrise en histoire ancienne et d’un DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de l’Institut Régional d’Administration de Bastia et ancien professeur d’histoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne.

300 Spartiates contre des millions de Perses

Après avoir publié chez le même éditeur La Véritable histoire d’Alexandre le GrandLa Véritable histoire de Jules César (2007), Jean Malye ne s’intéresse plus à un seul personnage historique, mais à une cité dans son ensemble, Sparte, et plus particulièrement à un épisode bien particulier de son histoire, en l’occurrence la résistance héroïque de son roi Léonidas et de ses hommes dans le défilé des «Portes chaudes», les Thermopyles, coincé entre la montagne et la mer, seul passage entre la Thessalie et la plaine de l’Attique.

Le livre est en fait constitué d’une sélection de textes anciens réunis et commentés par l’auteur, qui s’appuie également sur d’autres ouvrages publiés aux éditions des Belles Lettres, notamment ceux de la collection Guides des civilisations (Anne-Marie Buttin, La Grèce classique, 2000 ; Philip Huyse, La Perse antique, 2005). Jean Malye cite aussi abondamment l’ouvrage majeur de Victor Davis Hanson, Le Modèle occidental de la guerre (Les Belles Lettres, Collection Histoire, 1990). Ce volume a donc tout d’une commande d’éditeur, et l’on ne peut que remarquer la concomitance de sa parution avec la sortie sur les écrans du film 300 de Zack Snyder, sombre péplum ultra-violent et aux relents idéologiques douteux (pourquoi les méchants Perses sont-ils Noirs et réputés «puants» ?) adapté d’un roman graphique de Franck Miller.

Au-delà de l’effet marketing, la lecture du livre est à conseiller à tous ceux qui ont vu le film sans connaître grand-chose du contexte historique évoqué. En effet, il s’agit avant tout d’une œuvre de vulgarisation, écrite le plus souvent avec clarté, et qui a l’avantage d’offrir un accès direct aux textes anciens en les replaçant en perspective les uns par rapport aux autres. Le lecteur qui souhaite approfondir ses connaissances pourra utilement se reporter au Sparte d’Edmond Lévy publié en 2003 dans la collection de poche Points-Seuil.

Le livre s’ouvre sur l’évocation de la première guerre Médique, qui débute avec la révolte de l’Ionie en 503 av. J.-C, et se poursuit avec l’invasion des Perses de Darius vers la Grèce d’Europe, stoppée par les Athéniens et les Platéens à Marathon en 490. La bataille est décrite à travers le texte d’Hérodote, mais aussi celui de l’Oraison funèbre de Lysias qui loue le courage des Grecs face à leurs envahisseurs en surnombre. La première partie expose ensuite les forces en présence, et commence par évoquer Athènes et son organisation politique (démocratie) et sociale. Sparte est ensuite décrite, notamment à travers la citation de quelques passages de la Description de la Grèce de Pausanias. La constitution oligarchique que lui a donnée son législateur Lycurgue à l’époque archaïque est ensuite longuement exposée, à travers le texte de la Vie que consacre Plutarque à ce personnage peut-être mythique. Sont ainsi décrits la gérousie (que Jean Malye nomme «sénat») et l’éphorat, puis le partage des terres et l’utilisation d’une monnaie de fer de mauvaise qualité. Plutarque s’étend ensuite sur l’institution des syssities (les repas pris en commun par les citoyens), l’éducation des filles (où le sport tient une place importante, car il s’agit d’enfanter des enfants vigoureux) et celle des garçons (qui doivent être avant tout des soldats). Les informations données par Plutarque sont complétées par de larges extraits de la Constitution des Lacémoniens, texte du IVe siècle av. J.-C. attribué à l’Athénien Xénophon, et qui évoquent le mariage à Sparte, l’éducation des enfants et des adolescents, l’émulation permanente chez les hommes adultes, les repas en commun, le mépris des richesses et de la lâcheté par les citoyens, l’organisation de l’armée et celle des institutions politiques. La première partie intègre également un court chapitre sur les autres cités (essentiellement Thèbes et Corinthe) et les colonies ayant joué un rôle non négligeable dans le conflit. Jean Malye s’intéresse enfin à «l’Empire-Monde» des Perses Achéménides, son histoire, son organisation politique, militaire et sociale. Il est cependant curieux qu’il n’y consacre que dix pages alors qu’Athènes est décrite en vingt-et-une pages, ce qui est un peu long pour un ouvrage consacré avant tout à Sparte.

Après cette «revue des troupes», la seconde partie s’attache à décrire les événements de la seconde guerre Médique. Jean Malye commence par l’invasion. Après avoir raconté les hésitations du Grand Roi Xerxès, fils de Darius, à entreprendre cette conquête, Hérodote nous décrit l’entrée en Grèce de l’immense armée perse au printemps 480 (deux millions de soldats, plus une puissante flotte de 1207 trières, soit plus de 500 000 hommes). Après quatre ans de préparatifs – réarmement des troupes, postes de ravitaillement jalonnant la route, percement d’un canal dans le mont Athos – Xerxès, venant du fond de l’Asie Mineure, va jusqu’aux confins de la Thessalie en traversant des régions dociles dont les habitants se souviendront encore au temps d’Hérodote de cette incroyable vision bigarrée. Pendant ce temps, les Grecs, qui s’apprêtaient depuis longtemps à subir une nouvelle invasion perse après Marathon (construction d’une flotte athénienne par Thémistocle et réaménagement du Pirée), décident d’envoyer des espions chez les Perses et des ambassades pour trouver des alliances. La déception est grande devant les différents refus, notamment la défection des Argiens, à cause d’une rivalité avec Sparte pour le commandement suprême des armées. La ligne de défense est alors décidée et les positions pour arrêter l’envahisseur sont désignées : les Thermopyles sur terre et l’Artémision sur mer.

Aux Thermopyles, durant trois jours, les Spartiates tiennent tête héroïquement aux assaillants en surnombre, avant de succomber, jusqu’au dernier, autour du cadavre de leur roi Léonidas. Hérodote raconte longuement ce furieux combat, mais son texte doit être comparé à celui de Diodore de Sicile, écrit cinq siècles plus tard. Selon cet auteur, les Spartiates envahissent en ultime recours le camp de Xerxès pour tenter de tuer le roi. Le dernier carré spartiate est éliminé de loin, sans pouvoir combattre, par la pluie de flèches des archers perses. Le combat naval de l’Artémision voit s’opposer aux Perses les Athéniens, mais aussi les Platéens, les Corinthiens, les Mégariens, les Chalcidiens, les Eginètes, les Sicyoniens, les Lacédémoniens, les Epidauriens, les Erétriens, les Trézéniens, les Styréens, les Kéens et les Locriens Opontiens. Le premier jour des affrontements, les Grecs s’emparent de 30 vaisseaux barbares. Le deuxième jour voit la victoire des Athéniens sur les Ciliciens. Le troisième jour est plus mitigé. Selon Diodore de Sicile, la bataille se situe après celle des Thermopyles, ce qui est en contradiction avec le récit d’Hérodote. Il reste que, pour les Perses, l’enjeu du combat était fort semblable à celui de la bataille terrestre : ils avaient en effet décidé de refouler les Grecs et de franchir l’Euripe, tandis que ceux-ci, qui avaient bloqué cet étroit passage, se battaient pour couvrir leurs alliés d’Eubée. La bataille est rude, on perd beaucoup de navires des deux côtés, mais la tombée de la nuit oblige les adversaires à regagner leurs ports d’attache respectifs.

Après ces deux premiers chocs qui ne font que ralentir l’avancée des Perses, les Grecs tentent à tout prix de stopper ce déferlement inexorable qui brûle tout sur son passage et pille finalement Athènes. Mais les Athéniens se sont réfugiés à Salamine et leur flotte s’y oppose aux Perses. La bataille est racontée par Diodore, mais aussi par Eschyle (qui y a lui-même participé) dans sa tragédie Les Perses. Hérodote conte la retraite de Xerxès, mais Jean Malye fait remarquer que le bilan de l’expédition du Grand Roi était en fait plutôt positif, la majeure partie de la Grèce s’étant soumise malgré la résistance du Péloponnèse. En 479, à Platées, un an après Salamine, les Grecs, dirigés par le Spartiate Pausanias et par l’Athénien Miltiade, battent le général perse Mardonios lors de la dernière grande bataille terrestre des guerres Médiques. Les Perses rentrent définitivement chez eux. Ils ne reverront les Grecs que comme envahisseurs, sous les ordres d’Alexandre le Grand, qui deviendra Grand Roi à la place du Grand Roi. Mais c’est là une autre histoire.

Sébastien Dalmon
( Mis en ligne le 20/09/2007 )
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