L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Moyen-Age  

Religion et mentalités au Moyen Age - Mélanges en l'honneur d'Hervé Martin
de Daniel Pichot , Sophie Cassagnes-Brouquet , Lionel Rousselot et collectif
Presses universitaires de Rennes - Histoire 2003 /  38 €- 248.9  ffr. / 604 pages
ISBN : 2-86847-802-6
FORMAT : 17x24 cm

L'auteur du compte rendu: Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez a été de nombreuses années rédactrice en chef adjointe de la revue Notre Histoire. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages d’initiation portant notamment sur l’histoire médiévale et l’histoire de l’art.

Tours et détours en Moyen Age

Ce gros et savant ensemble – il compte quelque 56 contributeurs – constitue le volume de «Mélanges» offert au médiéviste Hervé Martin, professeur à l’Université de Rennes-2, à l’occasion de son départ à la retraite. Coordonner pareil ouvrage, tout comme en rendre compte, est un périlleux exercice. De façon générale, les organisateurs de celui-ci ont relevé avec succès le défi consistant à présenter des pistes variées, dans le temps, l’espace et les objets d’études, tout en restant en cohérence avec les voies ouvertes par les recherches de H. Martin, défini par J. Delumeau dans sa préface comme un «pionnier de l’intérêt de la prédication comme source historique».

Une des difficultés du genre consiste à organiser les contributions, ce qui a été fait dans le respect de la ligne directrice choisie. C’est ainsi que cinq sections scandent le recueil : les regards de l’historien, les ordres mendiants et la société, «des professionnels de la parole», le peuple chrétien, mentalités et vie culturelle. Les articles restent en général courts, sont toujours denses et savants comme l’exige le genre, qu’il s’agisse de synthèses, telle celle proposée par N. Gonthier sur la littérature chevaleresque des XIIe et XIIIe s., ou de focalisations, par exemple sur l’historien oublié Léon Maitre que fait revivre N-Y. Tonnerre. La présentation infrapaginale des notes et bibliographies rend l’utilisation de l’ouvrage commode pour le lecteur. De même rendront service les dessins, graphiques et plans insérés dans certains textes. Par contre, la qualité du cahier de planches en couleur ne peut qu’être le reflet d’un budget de fabrication insuffisant.

Impossible, bien sûr, de rendre compte en quelques lignes du foisonnement d’un livre de ce genre et encore plus d’en saluer chacun des collaborateurs. On devra donc se satisfaire de pointer quelques traits qui souligneront la variété et la richesse de ses apports.

Offerts à un médiéviste, le volume comporte une majorité de contributions portant sur sa période de prédilection. Mais on n’a pas hésité à s’en éloigner. Si Grégoire de Tours (H. Miyamatsu, p.467) peut entrer dans le haut Moyen Age, la présence de Théodoret de Cyr (A. Martin, p.585) nous plonge bien dans l’antiquité, fût-elle tardive. Avec la Vie de Jésus de Renan (N. Richard, p.87), ou Thérèse de Lisieux (C. Langlois, p.101) nous voici en pleine période dite contemporaine, le scandaleux curé Martin (J. Quéniart, p. 447) nous ramenant vers le XVIIIe siècle.

Sermons et prédicateurs, sources si souvent exploitées par H. Martin, tiennent une place de choix dans ces Mélanges. Souvent, ils servent d’appui à l’étude de diverses pratiques de dévotion par lesquelles s’exprime la foi du peuple chrétien. On y trouve sans surprise les pèlerinages. Qu’il s’agisse de pérégrinations corporelles effectives, tels les pèlerinages mariaux en Alsace (F. Rapp, p.387), ou de ce genre à la fois littéraire et symbolique que constitue le Pèlerinage de Vie humaine (A.-M. Legaré, p.543). On appréciera aussi la réflexion historiographique sur «l’histoire de l’histoire» de Compostelle, telle que présentée par D. Péricard-Méa (p.65).

D’autres contributions s’attachent à apporter des points de vue neufs sur certaines œuvres d’art. Bien connues parfois, telle la Vierge au chanoine van der Paele (E. Mornet, p.409), ou les offrandes des rois mages de Jan Gossaert (Ph. Hamon, p.419). Dans un autre genre, c’est le récit de la vie tumultueuse du peintre anglais John Peyntour que raconte S. Cassagnes-Brouquet (p.553).

On aurait été étonné si la majeure partie des textes n’avait pas concerné la prédication, et essentiellement la prédication médiévale, telle que pratiquée par les ordres mendiants. Elle fait souvent l’objet d’une présentation sous un angle original ; ainsi est-on éclairé sur son insertion dans le monde de son temps, plus précisément dans l’Italie communale (A. Vauchez, p.191). Certains de ces grands thèmes habituels sont analysés, par exemple la prédication morale concernant les sodomites (J. Berlioz, p.291). Mais on la voit à l’œuvre aussi dans des occasions bien particulières : l’ouverture du concile de Bâle (B. Roy, p.297), la prédication des indulgences (D. Baloup, p.315), etc..

Après avoir souligné l’ouverture de ce recueil sur la diversité des thèmes et sur les époques, quelques mots pour terminer sur les lieux concernés. La Bretagne, bien sûr, tient bien sa place, qu’il s’agisse des franciscains de Vannes et de Quimper (M. Aquilina, p.145), des chanoines augustins (A. Chédeville, p.133), ou de cette curieuse histoire de bilocation de saint Guénolé (B. Merdrignac, p.457). Mais les pages de ce livre convient le lecteur à bien d’autres promenades ; en Savoie et à Genève (J.-P. Leguay, p.167), en Castille (D. Baloup, p.315), en Hongrie (M.-M. de Cevins, p.325), jusqu’à Kiev (J.-P. Arrignon, p 353).

C’est bien une pérégrination sur les chantiers actuels de l’histoire qui est ici offerte.

Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 19/01/2004 )
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