L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Moyen-Age  

La Normandie et l'Angleterre au Moyen Age
de Véronique Gazeau , Pierre Bouet et collectif
Publications du CRAHM 2004 /  31.80 €- 208.29  ffr. / 366 pages
ISBN : 2-902685-14-9

L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions d’histoire des religions et d’histoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages d’initiation portant notamment sur le Moyen Age et sur l’histoire de l’art.

Rois et barons d’ici et d’outre-Manche

Etranges chassés croisés politiques que ces va-et-vient qui caractérisent l’histoire de la Normandie et de l’Angleterre, entre les XIe et XVe siècles. Une histoire rythmée par les événements militaires. Un duc de Normandie conquiert à Hastings la couronne d’Angleterre en 1066, et la Guerre de Cent Ans est marquée de la prétention au trône de France des souverains anglais. En tout temps, l’Eglise, les barons, entretiennent des liens de chaque bord de la mer, lieu de communication et non de séparation. La part de l’économie, par contre, semble avoir été assez faible dans toutes ces affaires.

Ce sont divers aspects de cette histoire complexe qu’avait soulignés le colloque tenu en octobre 2001 à Cerisy-la-Salle ; le présent ouvrage constitue la publication de ses actes, par les soins de l’Université de Caen Basse-Normandie. Il s’agit d’une édition soignée, d’une grande qualité, notamment dans les reproductions en couleur, fait plutôt rare dans le genre. Tous les textes sont donnés en français, bien que les contributeurs anglais aient été sans doute les plus nombreux.

La structure générale regroupe les contributions selon un ordre strictement chronologique, les dates portant, en l’occurrence, une signification indéniable. Une première période, s’étendant du Xe au XIIe siècle, est marquée par la conquête et la domination normande en Angleterre, forte jusque vers les années 1120 même si les liens se relâchent ensuite quelque peu. La perte de la Normandie, en 1204, marque un tournant : les barons doivent choisir leur camp, au moment où Normandie et Angleterre se séparent. Le XIIIe siècle se caractérise par l’affaiblissement progressif des relations de part et d’autre de la Manche. Preuve en est, lorsque les rois d’Angleterre, aux XIVe et XVe siècles, tourneront leur regard vers le continent, l’intérêt prioritaire qu’ils porteront au trône de France bien avant la Normandie, passée – retournement de situation – durant plusieurs décennies sous domination anglaise.

A l’intérieur de ce cadre, les contributions présentent toute la variété habituelle à ce genre de rencontre, diversité dont il est bien sûr impossible de rendre compte. Certaines offrent des études de synthèse (Le gouvernement d’Henri Ier Beauclerc en Normandie, par J. Green ; L’aristocratie anglo-normande et 1204, par K. Thompson, ou encore l’aspect culturel des relations avec la question de la contribution anglaise à la production de livres en Normandie, par R. Gameson). D’autres constituent des examens spécifiques de sources, comme le cartulaire de l’abbaye Saint-Pierre de Préaux (D. Rouet), conduisant à une étude du patrimoine d’un établissement religieux normand en Angleterre. Dans la même catégorie, citons l’analyse d’O. de Laborderie, portant sur la mémoire des origines normandes des rois d’Angleterre dans les généalogies en rouleau des XIIIe et XIVe siècles. Nombre de ces contributions sont assorties de la publication de sources inédites. La bibliographie méthodique concernant la Normandie et l’Angleterre au XIIIe siècle constitue à elle seule un sujet d’article (D. Power) ; une majorité des références est en langue anglaise…

On aimerait signaler l’originalité et la qualité de la plupart des travaux. Nous en soulignerons seulement deux. L’application à l’espace anglo-normand des recherches tout à fait neuves de E. Van Houten sur le bannissement : l’auteur démontre comment cet acte punitif, spontanément ressenti par les hommes du XXIe siècle comme extrême scission, aux XIe et XIIe siècle apparaît dans les faits comme un apaisement, car il n’est la plupart du temps que temporaire et permet la création de nouveaux liens. Quant à Ph. Contamine, il a utilisé un fragment inédit de comptes pour raconter la carrière aventureuse, et apparemment peu lucrative, du sénéchal Pierre de Brézé comme corsaire (1452-1458).

Il revenait aux organisateurs du colloque d’émettre un vœu : devant l’intérêt suscité par la complexité de toute cette histoire, attesté au cours de plusieurs rencontres savantes, et l’état de quasi friche dans laquelle elle se trouve depuis la parution du Norman Empire de J. Le Patourel (1976), voir venir une synthèse sur le sujet qui utiliserait les recherches éparses mais multiples qu’il a récemment suscitées.

Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 26/03/2004 )
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