L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Moyen-Age  

Paris 1200
de John-W. Baldwin
Aubier - Historique 2006 /  28.50 €- 186.68  ffr. / 471 pages
ISBN : 2-7007-2347-3
FORMAT : 14,0cm x 22,5cm

Traduction de Béatrice Bonne.

L'auteur du compte rendu : Emmanuel Bain est agrégé d’histoire ; il est actuellement allocataire-moniteur à l’Université de Nice Sophia-Antipolis, où il prépare une thèse en histoire médiévale sur «les fondements bibliques du discours ecclésiastique sur riches et pauvres aux XII-XIIIe siècles».


Vivre à Paris en 1200

Depuis 40 ans, John Baldwin écume les archives et les bibliothèques parisiennes à la recherche des sources éditées et surtout inédites concernant la période autour de l’an 1200. Ses travaux sur Pierre le Chantre et son cercle, sur le gouvernement de Philippe Auguste, sur Jean Renart, sur l’amour au tournant du siècle, ont tous eu Paris pour cadre. La ville était toujours présente, mais son thème n’était pas encore traité comme tel.

C’est désormais fait dans un livre traduit de l’américain, mais publié en français pour sa première édition. Cet ouvrage présente deux originalités qui font toute sa richesse. Fruit d’un long et rigoureux travail, Paris 1200 résulte du croisement de sources très diverses : chroniques bien sûr, mais aussi documents officiels tels les comptes de la monarchie ; sources pastorales comme des sermons ou des statuts synodaux ; textes littéraires et images ; et surtout les nombreux textes très peu exploités produits dans l’école de Pierre le Chantre qui se montre particulièrement attentif à l’évolution de la société de son temps. Pour cela, John Baldwin puise largement dans son ouvrage de 1970 (Masters, Princes and Merchants : The Social Views of Peter the Chanter and his Circle), ce qui permet au lecteur français de s’en faire une bonne idée, et de pallier ainsi partiellement le manque de traduction. C’est d’ailleurs le second intérêt de ce Paris 1200 que de fournir une synthèse très accessible des précédents travaux de John Baldwin.

Mais plus globalement, ce livre poursuit l’ambition de «ressusciter cette époque» (p.25). Et il y parvient fort bien. Toujours écrit dans un style alerte et vivant, il est soucieux de faire comprendre la vie à Paris sous Philippe Auguste. Le premier chapitre est une sorte de tour d’horizon, où se découvrent l’étendue de la ville, ses différents quartiers, les chantiers qui l’animent – notamment celui de Notre-Dame et des fortifications. Dans ce périple, le lecteur croise le peuple des travailleurs : pauvres et prostituées, artisans – aussi bien bouchers que fabricants de livres –, marchands affairés sur la rive droite, changeurs serrés sur les ponts, finalement toute cette bourgeoisie dont le rôle politique est croissant.

Le deuxième chapitre traite de deux figures marquantes de la vie parisienne : Philippe Auguste dont la séparation avec sa femme Ingebourg est la cause de l’interdiction pontificale d’administrer les sacrements ; et Pierre le Chantre, célèbre maître de l’école cathédrale où se retrouvent les plus grands clercs de son temps, tels l’archevêque de Canterbury Etienne Langton ou le pape Innocent III. La fin de ce chapitre est consacrée aux femmes, dont la trace dans les sources est bien évanescente et qu’il faut retrouver principalement dans les images. Le troisième chapitre aborde l’œuvre institutionnelle de Philippe Auguste, qui tend à accorder à Paris sa fonction de capitale du Royaume. C’est sous son règne qu’y sont établies les archives et les finances royales, qu’y est construit le Louvre, alors que la centralisation monarchique polarise peu à peu le pouvoir sur Paris.

Le quatrième partie renoue avec la description de la vie à Paris en abordant ce qui est le mieux connu : la vie religieuse. C’est toute l’organisation de la cathédrale qui est ici abordée : le rôle de l’évêque, celui des chanoines, la liturgie et la prédication au peuple. Le riche chapitre suivant porte sur un des aspects de la vie cléricale : l’école, juste avant la mise en place de l’Université. John Baldwin traite d’abord de son organisation juridique et matérielle : la reconnaissance du statut clérical des étudiants, les problèmes de logement, de financement des maîtres etc. Puis il présente le cursus scolaire avec les livres étudiés et les méthodes de travail (lectio, disputatio). Enfin, il aborde la pensée réformatrice à l’œuvre dans cette école. Le dernier chapitre, «Plaisirs et peines», se fonde quant à lui sur des sources littéraires pour décrire les loisirs aristocratiques et populaires, la célébration de l’amour, mais aussi la montée de la dénonciation de l’hérésie et l’appel aux croisades.

John Baldwin met donc ici l’ampleur de ses connaissances au service d’un ouvrage à la lecture facile et agréable, qui constitue une rigoureuse et intelligente vulgarisation sur le Paris de cette époque. Ce livre peut même servir de guide de visite du Paris médiéval : l’historien mentionne toujours avec clarté où il est actuellement possible de voir tel ou tel vestige de ce dont il traite, et commente l’iconographie de Notre-Dame. Quant aux lecteurs soucieux d’approfondir les points abordés, ils pourront se reporter aux autres ouvrages de l’historien américain.

Emmanuel Bain
( Mis en ligne le 21/03/2006 )
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