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Histoire & Sciences socialeset Moyen-Age  

Comment suivre Dieu quand Dieu n'est pas là ? - L'éloignance de Mechthild de Magdebourg (XIIIe siècle)
de Waltraud Verlaguet
Cerf - Sagesses Chrétiennes 2006 /  15 €- 98.25  ffr. / 106 pages
ISBN : 2-204-07986-3
FORMAT : 12.5x19,5 cm

L'auteur du compte rendu : Emmanuel Bain est agrégé d’histoire ; il est actuellement allocataire-moniteur à l’Université de Nice Sophia-Antipolis, où il prépare une thèse en histoire médiévale.

Une mystique de l’absence !

Mechthild de Magdebourg est peu connue, bien qu’elle présente une pensée plutôt originale. Waltraud Verlaguet, auteur d’un doctorat de théologie sur cette mystique du XIIIe siècle, et traducteur de son œuvre (ed. Jérôme Million, 2001), offre ici une commode introduction à son étude.

Ce bref ouvrage comprend deux parties. La première est une introduction historique. L’auteur présente d’abord la vie de Mechthild, née vers 1207 dans la petite noblesse de la région d’Helfta, qui se fait béguine avec l’arrivée des ordres mendiants, commence à écrire vers 1250, et rejoint le monastère cistercien d’Helfta vers 1271, puis le couvent dominicain de Halle, avant de mourir vers 1283. Le deuxième chapitre présente «le contexte de l’écriture» : le contexte politique – un Empire perturbé ; culturel – celui de la littérature courtoise et du développement des langues vernaculaires auquel participe Mechthild puisqu’elle écrit La Lumière fluente de la divinité en allemand ; contexte spirituel enfin marqué par l’essor des formes de religiosité féminine. Le troisième chapitre décrit quelques caractéristiques de la mystique de Mechthild, notamment le dialogue, qui traduit une meilleure compréhension de soi et une plus grande attention à la subjectivité.

La seconde partie de l’ouvrage est une anthologie brièvement commentée qui permet de découvrir la spiritualité de Mechthild. W. Verlaguet montre comment le problème principal est celui de l’absence de Dieu, face auquel la réponse de la mystique évolue. Elle reprend d’abord les thématiques des noces mystiques et du jeu érotique présent aussi bien dans la littérature mystique que courtoise. L’absence de Dieu est alors attente qui fait croître le désir et permet la purification, récompensée par des moments d’union qui suivent un processus d’ascension dans lequel la maîtrise du corps a une place centrale.

Mais l’originalité de Mechthild réside dans ce que W. Verlaguet désigne par le terme d’“éloignance”. Il s’agit d’un éloge de la séparation, qui apparaît comme la poursuite même et la réalisation de l’élan d’amour : «La nature de l’amour c’est qu’il s’écoule d’abord de douceur, qu’il devient ensuite riche en connaissance et qu’il devient enfin insatiable de réprobation…» (p.96). Mechthild en vient ici à souhaiter l’éloignement de Dieu, l’abandon total de l’homme et son complet rejet, qui sont, paradoxalement, le point de rencontre même avec la Kénose du Christ. C’est ce paradoxe que ce livre permet d’approcher.

Emmanuel Bain
( Mis en ligne le 19/06/2006 )
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