L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Moyen-Age  

Le Chevalier de la Charrette - Edition bilingue français-ancien français
de Chrétien de Troyes
Honoré Champion - Champion Classiques - Moyen Âge 2006 /  15 €- 98.25  ffr. / 514 pages
ISBN : 2-7453-1421-1
FORMAT : 12,5cm x 19,0cm

Traduction de Catherine Croizy-Naquet.

Voir aussi, dans la même collection :

- Chrétien de Troyes, Cligès, 460 p., 13.50 €, avril 2006, 12,5cm x 19,0cm, ISBN : 2-7453-1413-0.

- Anonyme, Robert le Diable, 496 p., 14.50 €, avril 2006, 12,5cm x 19,0cm, ISBN : 2-7453-1420-3.

L'auteur du compte rendu : David-Jonathan Benrubi, élève à l'école des chartes, président de l'Association historique des élèves du lycée Henri IV, poursuit, sous la direction de MM. Bruno Laurioux et Michel Pastoureau, des recherches sur les représentations des banquets au Moyen Age : «Représentations symboliques de la commensalité et de la table au Moyen Age».


Textes en contexte

Hébergée par la maison Champion, la série «Moyen Age» de la collection Champion Classiques s'enrichit de nouveaux titres, pour le plus grand bonheur des étudiants et autres amateurs de littérature médiévale. Deux romans de Chrétien de Troyes et un roman en vers du début du XIIIe siècle sont à l'honneur.

On ne redira pas ici les intrigues arthurienne du Chevalier de la charrette et grecque de Cligès. Moins connu en revanche est Robert le Diable, roman par la forme, «geste épique» par le souffle et les dominantes thématiques, qui emmène le lecteur de Normandie à Rome, du mal au bien, d'une anticipation améliorée de Victor Hugo à une doctrine pénitencielle dont les progrès autour de Latran IV trouvent ici une expression idéologique et littéraire. Fils du duc de Normandie, Robert fut engendré par la volonté du Diable, la duchesse stérile s'étant détournée de Dieu qui lui refusait toute progéniture. Ainsi lointain cousin de Merlin, le jeune Robert se livre aux crimes les plus ignobles, offrant à l'histoire un exemple proprement épique des «jeunes» chers à Georges Duby, et au chant des lettres médiévales une formidable ouverture sur la beauté de la violence, comme l'attestent ces vers (Robert vient de massacrer un couvent de moniales) :

«E, Dieux, tant esmeree dame
Y laist li fel sanglente et morte,
Anchois qu'il ysse de la porte !
Les mains en a sanglentes toutes
Et ses chauces de grosses goutes
Del sanc qui esproha deseure ;
Et li fiers et toute la meure
Del fier et de la glaive toute
Est si sanglente qu'en dégoute
Li sans a ses piés contreval ;
Et tous li chiés de son cheval
Est si chargiés trestous de sang
Que poy y pert partout de blanc.»
(v. 582-594)

Mais bientôt Robert se repent, et part à Rome expier ses crimes... L'extrait ici cité illustre à merveille les avantages du format de la collection, et l'intérêt du travail fourni par les meilleurs spécialistes des textes, ici Elisabeth Gaucher, Catherine Croizy-Naquet dans le cas de Lancelot et Cligès.

Le lecteur dispose en effet d'une traduction en prose (plus ou moins fidèle ou libre selon le volume), d'un glossaire assez fourni (notamment pour Robert le Diable) et surtout, dans la partie inférieure de la page de droite, de commentaires assortis de notes bibliographiques qui constituent outre un précieux outil de travail pour le littéraire, parfois une véritable introduction à certains aspects de la société médiévale. Le lecteur, en effet, s'il n'a eu à apprendre par coeur des listes de vocabulaire, ignorera probablement que «meure» signifie «lame», mais le glossaire lui permettra de ne pas avoir nécessairement recours à la traduction, tandis qu'une note sur le passage suggère un rapprochement avec aussi bien les Métamorphoses d'Ovide qu'une adaptation médiévale de ce texte, l'Ovide moralisé.

Il faut enfin signaler des introductions très intéressantes, et synthétiques, qui, mieux que la plupart des manuels, fournissent un point de départ intéressant pour aborder la littérature médiévale sous les angles variés de la philologie, de la tradition manuscrite, du style, de la métrique, des traitements thématiques, de l'intertextualité, du contexte historique, etc. Dans le cas des romans de Chrétien de Troyes, par exemple, ce type d'introductions permet de faire une synthèse provisoire des innombrables travaux en tout genre qui sont en permanence consacrés à cet auteur. L'objet est élégant, les marges assez généreuses, le papier soigné, et le prix abordable. Bons produits éditoriaux, ces livres sont aussi de bons produits commerciaux.

David-Jonathan Benrubi
( Mis en ligne le 04/07/2006 )
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