L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Moyen-Age  

Grandeurs et faiblesses de l'Eglise au Moyen Age
de Pierre Riché
Cerf - Histoire 2006 /  28 €- 183.4  ffr. / 333 pages
ISBN : 2-204-07738-0
FORMAT : 12,5cm x 19,5cm

L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions d’histoire des religions et d’histoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages d’initiation portant notamment sur le Moyen Age et sur l’histoire de l’art.

Revoir la chrétienté médiévale

Il fallait être un parfait connaisseur de la chrétienté médiévale et posséder un solide esprit de synthèse pour relever pareil défi : parcourir en 300 pages un millénaire d’histoire pour en faire ressortir les ombres et les lumières tout en soulignant le devenir auquel étaient promis telle institution, tel élément de culture et de civilisation. Vite dit et vite envisagé, le Moyen Âge a la réputation d’être un âge d’or pour le christianisme. Or, à y regarder de près, les choses ne sont pas aussi simples. Pierre Riché livre ici à son lecteur une réflexion solide sur les «grandeurs et [les] faiblesses du Moyen Âge». Il y réussit à travers un récit alerte, rédigé au temps présent, ce qui rend remarquablement actuel le déroulement de l’Histoire.

Le parti suivi par l’auteur est celui d’une stricte chronologie, à travers des étapes aussi attendues que classiques : vitalité de l’Antiquité tardive, mise en place du monde chrétien aux temps carolingiens, complexité des Xe-XIe siècles, éclat des XIIe-XIIIe, et fin d’un monde aux XIVe-XVe. Le cadre géographique embrassé est celui de la chrétienté occidentale, les brèves incursions dans la chrétienté orientale ne sont qu’exceptions occasionnelles. Au plan formel, aucune note infra-paginale dans ce livre destiné à un large public, mais une solide bibliographie in fine, nourrie des références les plus sérieuses, devenues traditionnelles comme récentes, se montre suffisante sans être décourageante pour le non-spécialiste. Ajoutons que les propos sont charpentés par des subdivisions nombreuses, à la hiérarchie parfois un peu complexe à vrai dire.

L’originalité du livre ne tient pas, on l’aura compris, aux révélations qu’il peut faire. Les événements sont connus, rapidement évoqués par la force des choses, et les exposés touchant aux données de civilisation évidemment brefs. L’intention de P. Riché est autre : il s’attache à noter au fur et à mesure du déroulement des faits le positif et le négatif des dix siècles pris en compte. Dans ce propos, l’auteur s’implique, parfois vivement, ponctuant son récit de : «heureusement», «hélas» et autres interjections personnelles. Toutefois, en dépit de chapitres nécessairement synthétiques, les données ne sont jamais simplificatrices.

C’est ainsi – impossible de procéder autrement que par des exemples – que le monachisme est présenté, selon les époques, comme un moteur de la chrétienté (Antiquité tardive et XIIe siècle) ou comme une institution quasi sclérosée (l’ordre bénédictin aux siècles difficiles de la fin du Moyen Âge) ; que les rapports entre Église et puissances temporelles sont sans cesse évolutifs, etc. Combien de lecteurs seront reconnaissants à P. Riché de leur apprendre que les premières liturgies célébrées en langue vulgaire l’ont été en Moravie, au Xe siècle ; une initiative sans aucune suite jusqu’à Vatican II. De même, comme elle est curieuse cette évolution du terme «matricularius» devenu «marguillier», conduisant du statut de pauvre assisté à celui de notable de la paroisse. Et que dire de l’installation des papes au Vatican, purement occasionnelle à leur retour d’Avignon… et destinée à durer. Quelques déséquilibres dans ce survol : si les croisades font l’objet d’un développement suivi, on reste un peu sur sa faim en ce qui concerne toute l’aventure cathare.

Au final, l’auteur de cette réflexion historique termine sur une note plutôt pessimiste puisqu’il parle d’«échec» de la chrétienté médiévale, soulignant le désaccord où elle aboutit entre l’Église (finalement responsable des ferments d’une Réforme naissante) et la société, à la fin du Moyen Âge. La sainteté, incarnée à toutes époques dans des hommes et des femmes exceptionnels ayant su répondre aux exigences de leur temps, apparaît finalement comme la planche de salut et la plus grande réussite d’une l’Église qui aurait connu plus de «faiblesses» que de «grandeurs».

Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 30/11/2006 )
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