L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Moyen-Age  

Chute et mort de Constantinople
de Jacques Heers
Perrin - Tempus 2007 /  8.50 €- 55.68  ffr. / 345 pages
ISBN : 978-2-262-02661-5
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions d’histoire des religions et d’histoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages d’initiation portant notamment sur le Moyen Age et sur l’histoire de l’art.

Qui a tué l’empire Byzantin ?

De la fondation de Constantinople par un empereur romain à la chute de Byzance conquise par les Turcs et devenue Istanbul, un millénaire d’une histoire aux multiples épisodes. Les changements de nom, loin d’être purement formels, racontent à eux seuls une série de situations, celles qui font d’une cité – et de l’empire si étroitement lié à elle que le même nom les désigne simultanément ‑ une capitale successivement latine, grecque, occidentale, grecque de nouveau, puis ottomane. J. Heers raconte et explique les grandes articulations de ces transferts dans un ouvrage de synthèse qui vient d’être réédité en collection poche.

Au long d’un exposé strictement chronologique – une foultitude d’événements ‑ il faut toute la maîtrise de l’historien pour raconter sans en perdre le fil une histoire tellement complexe que la qualification de «byzantine» deviendra une expression du langage courant à la tonalité peu flatteuse. Et pour compliquer l’exercice, les partenaires, voisins, adversaires de l’empire, géographiquement proches ou lointains, interfèrent sans cesse dans cet État où alternent périodes brillantes et déchéances.

Ce manuel domine époques, personnages et événements par ailleurs connus et évalués par de multiples travaux. L’éditeur a gardé, pour la plus grande commodité de l’utilisateur, l’apparat critique de cet ouvrage : notes abondantes, fournissant toutes précisions, notamment bibliographiques, pour appuyer les assertions et donner des pistes à qui voudra aller plus loin sur un sujet précis ; bibliographie générale des sources et travaux utilisés ; index réunissant noms de personnages et de lieux ; tableaux généalogiques (les familles grecques sont d’une telle complexité !), chronologie (malheureusement débutant avec la «Quatrième Croisade») et aussi de précieux croquis. Le format d’une édition poche rendait sans doute inévitable le corps réduit choisi pour la typographie et la mise en pages serrée de ce volume.

Impossible de rendre compte en quelques lignes du détail de ce livre, mais on peut signaler, arbitrairement choisies, quelques impressions générales qui ressortent de cette présentation synthétique. D’abord, à toutes les époques de cette histoire, et quel que soit le moment d’éclat de Constantinople (par exemple aux derniers siècles du millénaire), ou d’effondrement (le demi-XIIIe siècle d’Empire Latin), les voisins interfèrent puissamment dans l’histoire interne : l’épisode des croisades, et particulièrement la Première et la Quatrième, en est la démonstration emblématique. De même les conflits avec les Bulgares sont récurrents et parfois même font et défont les empereurs. Ensuite, Occident et Constantinople constituent des partenaires à facettes contradictoires : celui-là oscille entre fascination et mépris ; celle-ci utilise des alliés envers lesquels elle n’éprouve que répugnance. Et au final, c’est bien le désintérêt occidental envers les Grecs qui laisse Byzance démunie face aux Turcs.

Autre élément, l’importance du fait religieux. Sans doute les grandes querelles théologiques et christologiques empoisonnent-elles, dès le début, la vie politique de l’empire, à l’intérieur (la crise iconoclaste par exemple), et à l’extérieur (les divergences théologiques et liturgiques avec les chrétiens romains), mais si les vains essais de rapprochement entre les Églises infectent les derniers siècles, le «schisme» de 1054 aura mis quelque temps avant d’être ressenti comme tel. Et enfin, problème religieux devenu essentiellement politique, la blessure infligée par 1204 marque (marquera ?) la rupture entre les mondes grecs et latins.

Voilà une réédition d’un livre de référence qui, par la sûreté de son information et la richesse de son propos, rendra de grands services aux étudiants et aux amateurs d’histoire.

Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 01/10/2007 )
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