L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Moyen-Age  

Histoire littéraire du mouvement monastique dans l’Antiquité - Tome 11. Le monachisme latin
de Adalbert de Vogüé
Cerf - Patrimoines Christianisme 2007 /  39 €- 255.45  ffr. / 318 pages
ISBN : 978-2-204-08257-0
FORMAT : 15,0cm x 24,0cm

L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions d’histoire des religions et d’histoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages d’initiation portant notamment sur le Moyen Age et sur l’histoire de l’art.

Des moines sous influence

C’est par le monachisme tel qu’il se révèle en Gaule et en Espagne, aux VIe et VIIe siècles, que le P. de Vogüé poursuit sa monumentale histoire. La méthode qu’il utilise a déjà prouvé à quel point elle est fructueuse : analyser ce que peuvent révéler, pour la théorie, la pensée et la pratique de la vie monastique, les écrits qui traitent de ces questions, qu’il s’agisse d’une littérature proprement sacrée ou de nature réglementaire, et aussi plus profane. Dans ces siècles que d’aucuns qualifient déjà de «Haut Moyen Âge», la littérature n’est pas trop abondante ni les textes trop nombreux. L’un des intérêts de ce volume réside précisément dans la découverte que beaucoup de lecteurs feront de textes peu connus, parfois brefs et anonymes. Les spécialistes retrouveront partout la finesse d’analyse de l’auteur.

À travers des sources aussi différentes que la Vita de Colomban par Jonas de Bobbio, la Règle de Fructueux de Braga, les écrits de Valerius du Bierzo, etc., le P. de Vogüe souligne une constante : peu ou prou, on retrouve dans tous les textes qui reflètent la vie monastique de cette époque, combinées ou isolées, des références au monachisme d’Antoine, de Césaire, de Benoît, de Cassien. Certains auteurs, tel Isidore de Séville, connaissent Augustin. Les successeurs de Colomban ont lu les Dialogues de Grégoire le Grand. Peut-on alors parler de quelque manque d’invention dans ce monachisme des VIe-VIIe siècles ? L’auteur, en tous cas, dégage soigneusement la part d’originalité dans chacune de ces compilations. Et Colomban, quant à lui, crée une image puissamment originale du conducteur d’hommes, fondateur de communautés nombreuses, à la fois prophète et prédicateur, porté toutefois à l’érémitisme et capable de communiquer avec les bêtes.

On relèvera aussi la diversité des systèmes monastiques présentés. Le monachisme féminin est bien présent, qu’il s’agisse de Donat s’adressant aux sœurs de Besançon, des fragments de la Règle colombanienne féminine, de l’Instruction donnée par Léandre à sa sœur Florentine. À l’idéal de la peregrinatio prôné par Colomban, s’oppose celui de stabilité proposé par Isidore : lecture, prière, travail.

Ces textes souvent fragmentaires et parfois composés de façon brouillonne, constituent toujours des sources concrètes de la vie régulière et liturgique. Ainsi, selon les inspirations, distingue-t-on la recommandation de faire dormir les moines en dortoirs ou en cellules. Si la messe est célébrée par l’abbé lui-même (Vita de Jean Réomé), cela implique qu’il soit prêtre. Se répand aussi la notion de pactum, cet engagement écrit demandé au moine. On relève de curieuses possibilités, telle celle pour un homme marié d’entrer au monastère alors qu’une épouse et des enfants restent à proximité («Règle commune» inspirée par Fructueux).

Le lecteur appréciera l’habituelle précision des références et indications bibliographiques, sous forme de mentions infra-paginales, et il retrouvera dans le présent volume la précision des traductions en langue française. Suivre le P. de Vogüé, c’est une façon de pénétrer aisément dans les sources vives de l’histoire du christianisme.

Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 15/02/2008 )
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