L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

La Boîte à Perrette - Le jansénisme parisien au XVIIIe siècle
de Nicolas Lyon-Caen
Albin Michel - L'évolution de l'humanité 2010 /  25 €- 163.75  ffr. / 556 pages
ISBN : 978-2-226-20877-4
FORMAT : 14,5cm x 22,5cm

L'auteur du compte rendu ; Matthieu Lahaye, agrégé d’histoire, professeur en classes préparatoires littéraires, achève une thèse consacrée au fils de Louis XIV sous la direction du professeur Joël Cornette à l’Université Paris-VIII.

Le complot janséniste ?

Le jansénisme demeure l’une des questions les plus complexes de la période moderne. En dépit des œuvres de Catherine Maire et Dale Van Kley, il est toujours difficile d’expliquer en quelques mots ce qu’il fut. Les polémiques historiographiques sont nombreuses et les mille nuances qu’elles introduisent ne sont pas toujours compréhensibles pour les non-initiés. L’ouvrage de Nicolas Lyon-Caen, jeune historien talentueux, paraît donc à point nommé pour expliquer de quelle manière cette sensibilité religieuse du XVIIe siècle s’est peu à peu transformée en une réalité sociale dans le Paris du XVIIIe siècle.

Pour arriver à ses fins, l’auteur s’attaque au cœur du réseau en essayant de comprendre le fonctionnement des solidarités jansénistes par le biais de ses circuits de financement et d’entraide, en premier lieu la boîte à Perrette. La tâche n’était pas aisée car cette institution informelle ne bénéficiait pas de comptabilité propre ni d’une hiérarchie claire. Sa réalité évanescente est à retrouver dans les testaments et inventaires après décès des jansénistes, qui, pour rester discrets, multipliaient les montages financiers complexes.

En effet, l’interdiction du jansénisme, avec la bulle Unigenitus (1713), plongea dans la clandestinité un certain catholicisme augustinien, suspecté, au regard de son mépris des médiations avec Dieu, de laminer les fondements de l’imaginaire monarchique. À défaut d’être public, le jansénisme devint une réalité sociale, ancrée dans la bourgeoisie parisienne d’Ancien Régime, marchande, notariale et juridique. Les miracles du diacre Pâris, en mobilisant l’opinion, furent la preuve de la justesse de cette cause et surtout un moyen de créer une nouvelle domination sociale, notamment contre une monarchie qui avait vidé de son pouvoir les instances municipales parisiennes.

Maniant les concepts de l’histoire sociale avec virtuosité, Nicolas Lyon-Caen postule qu’en dépit de parcours individuels très différents, il existe une cohérence dans l’attitude des acteurs sociaux, même à leur insu. L’auteur a pour lui des dépouillements d’archives conséquents d’où émergent des destins singuliers tant dans les milieux de la boutique que de l’office ; on ne peut pas cependant s’empêcher de penser que cette vision parfois déterministe découle du regard panoptique de l’historien qui a tendance, en bon scientifique, à privilégier la loi sociale, plutôt que les infinies nuances de chaque existence.

Saluons donc un travail d’histoire sociale d’ampleur, une discussion avec les meilleurs auteurs notamment Marcel Gauchet, une manière élégante d’écrire et enfin une façon renouvelée d’aborder les élites bourgeoises parisiennes si importantes dans la perte de légitimité de la monarchie, après 1770, et actrices si décisives dans la révolution de 1789.

Matthieu Lahaye
( Mis en ligne le 30/11/2010 )
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