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Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

Le Pouvoir au fil de l'eau - Usages politiques des images aquatiques en France (1594-1715)
de Dénes Harai
Les Indes savantes - La Boutique de l'Histoire 2015 /  25 €- 163.75  ffr. / 196 pages
ISBN : 978-2-84654-402-3
FORMAT : 15,5 cm × 24,0 cm

Laurent Avezou (Préfacier)

L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer est conservateur général aux Archives nationales et professeur associé à l'université de Paris I. Elle a notamment publié : Richelieu (Flammarion, 2004), La Double mort du roi Louis XIII (Flammarion, 2007) ainsi que Monsieur Descartes (Flammarion, 2010).


Que d'eau...

De l'enfant Louis XIV – dont, si l'on en croit l'anecdote, la naissance aurait été favorisée par un événement aquatique, cet orage qui, en décembre 1637, aurait obligé Louis XIII à demander l'hospitalité à une épouse délaissée –, Madame de Motteville, la femme de chambre des sa mère, nous a laissé l'image fugitive d'un baigneur dans la Seine à l’été 1646 : «Le roi, qui était encore enfant, se baignait aussi et son gouverneur, le maréchal de Villeroy, qui ne l'abandonnait point en faisait autant. La reine et toutes celles qui avaient l'honneur de l'accompagner avaient, à l'ordinaire, de grandes chemises de toile grise qui traînaient jusqu'à terre. Le gouverneur du roi en avait de même, et la modestie n'y était nullement blessée...».

L'eau se manifeste ainsi de multiples façons dans l'histoire de la monarchie, de manières anecdotique ou plus structurelle, réelle ou allégorique. En ce dernier domaine, on connaît a satiété la place tenue par les métaphores solaires, moins bien les images aquatiques et le rôle qui leur était dévolu. Or le char de l'Etat n'hésitait pas à se transformer en nef pour voguer sur les ondes et y affronter tempêtes et écueils. En s'y embarquant, Dénes Harai parcourt un large XVIIe siècle, celui des trois premiers rois Bourbons, finement analysé, où l'on voit que cette thématique aime accompagner et soutenir un pouvoir fort (sous le ministériat de Richelieu et le règne personnel de Louis XIV) ou souhaité tel (à la mort d'Henri IV), car sans doute, comme le notait Richelieu dans son Testament politique : «L’empire de cet élément ne fut jamais bien assuré à personne ; il a été sujet à divers changements selon l’inconstance de sa nature, si sujet au vent qu’il s’abandonne à celui qui le flatte le plus, et dont la puissance est si déréglée qu’il se tient en état de le posséder par violence contre tous ceux qui pouroient lui disputer. En un mot, les titres de cette domination sont la force et non la raison : il faut estre puissant pour prétendre à cet héritage».

L'enquête iconographique et documentaire cible les usage que fait des images aquatiques le pouvoir royal, mais également les cardinaux-ministres, ou encore les nobles à l'occasion de la Fronde, étayant solidement et approfondissant un chapitre original de l'histoire des représentations qui, jusque là, n'était qu'esquissé et trop souvent considéré comme allant de soi ; outre la solidité de l'exposé, on appréciera la qualité du dossier iconographique qui l'accompagne. Ce faisant, Dénès Harai complète les travaux de Françoise Sigurait qui nous avait appris que la Renommée du roi pouvait s'exprimer à travers des conques marines (Les Fastes de la Renommée, XVIe-XVIIe siècles, CNRS éditions, 2004) ; il invite à relire attentivement, de ce point de vue particulier, Cesare Ripa et son Iconologie et, surtout, à poursuivre l'exploration symbolique de l'élément liquide au XVIIIe siècle, car on se prend à se demander comment, quand les horizons s'élargissent aux dimensions de la planète, cette clé de lecture maritime essentielle peut évoluer pour en rendre compte.

Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 23/06/2015 )
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