L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

Sagesse libertine
de Christophe Girerd
Le Livre de Poche - Biblio essais 2009 /  7.50 €- 49.13  ffr. / 446 pages
ISBN : 978-2253084464
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication en mai 2007 (Grasset).

L'auteur du compte rendu : Docteur en sociologie, diplômé de l’Institut d’Etudes politiques de Paris et de la Sorbonne (maîtrise de philosophie), Christophe Colera est l'auteur, entre autre, chez L’Harmattan, de Individualité et subjectivité chez Nietzsche (2004).


Boys will be boys

Tout le monde connaît les libertins. Chacun se les représente comme un courant «clandestin» de l’histoire, à l’image des épicuriens antiques. De ces empêcheurs de penser en rond, que les pouvoirs supérieurs diabolisent. De grands auteurs de la littérature et de la philosophie, de Descartes à Molière, se sont confrontés à leur thématique. Et les écrivains médiatiques comme Michel Onfray aujourd’hui en font leur miel idéologique. Pour autant on ne les lit pas : et pour cause – ils ne sont pas publiés depuis des lustres, ou alors seulement par bribes, chez des éditeurs très confidentiels.

Il nous faut donc des éclaireurs qui, une torche à la main, illuminent la caverne remplie de ces livres mis à l’index. Christophe Girerd se propose d’assumer cette tâche difficile. Il le fait sur un ton très personnel, en entremêlant l’exposé de considérations sur sa vie de prof de lycée de province, célibataire, à quelques années encore de la quarantaine. L’auteur évoque son passé d’élève de l’enseignement catholique, son mal-être dans l’institution, sa nostalgie de la futilité estudiantine. Il devient ainsi l’illustration même de ce que les éthologues appellent la «néoténie psychique des hominidés mâles». En tout cela il se rapproche d’Onfray, avec la conscience politique en moins.

Au milieu de ces évocations personnelles, Christophe Girerd expose les principales thématiques libertines : l’indiscipline, l’individualisme, l’atomisme, l’athéisme, la misologie, le retour au corps, la spontanéité du désir. Loin de chercher à donner à cette philosophie une quelconque positivité théorique, l’auteur semble la revendiquer comme une pure négativité (voire une récréativité) ludique, irrécupérable par aucun système, aucune doctrine. Un jeu d’adolescents contre les Pères symboliques, pas seulement les religieux de tous ordres, mais aussi le grand Descartes qui joue dans cette économie pulsionnelle un rôle analogue à Hegel dans la philosophie allemande du XIXe siècle.

Cet ouvrage rédigé dans un style alerte, agréable, fournit une introduction instructive et colorée à des auteurs méconnus tels que Jacques Vallée Des Barreaux, Jean-Jacques Bouchard, Charles Coypeau-Dassoucy, Pierre Charron. Il ne manquera sans doute pas de séduire un public large, dans le contexte français actuel qui, quoi qu’en dise l’auteur, reste assez majoritairement converti, sur le plan des principes au moins, c’est-à-dire de la profession de foi, aux vertus du refus des dogmes et des chapelles.

Resterait ensuite à s’interroger sur les conditions de possibilité de cette irruption juvénile en plein cœur du XVIIe siècle, sa généalogie, sa sociologie, sa postérité, ses conditions concrètes de survie sous le poids des autorités civiles et religieuses, et sur les probables malentendus que notre époque plaque sur elle. Peut-être serait-ce là le sujet d’un autre livre.

Christophe Colera
( Mis en ligne le 04/02/2009 )
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