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Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

Souvenirs du marquis de Valfons
de Marquis de Valfons
Mercure de France - Le Temps retrouvé 2003 /  19.50 €- 127.73  ffr. / 392 pages
ISBN : 2-7152-2409-5

L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris-I-Sorbonne, Thierry Sarmant est conservateur en chef du patrimoine au Service historique de l'armée de Terre. Il prépare, sous la direction du professeur Daniel Roche, une habilitation à diriger des recherches consacrée à "Louis XIV et ses ministres, 1661-1715". Il a publié une vingtaine d'articles sur l'histoire politique et culturelle de la France moderne et contemporaine et six ouvrages dont Les Demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003)et La Roumanie dans la Grande Guerre et l'effondrement de l'armée russe (1999).

Guerre et Amour au siècle des Lumières

Le marquis de Valfons est le contemporain presque exact de Louis XV - il est né en 1711, son roi en 1710 – et il a participé aux principales guerres de ce règne : guerre de succession de Pologne (1733-1738), guerre de succession d’Autriche (1740-1748), guerre de Sept Ans (1756-1763). Ces Souvenirs sont d’abord un témoignage de premier ordre sur la vie et les opérations militaires au siècle des Lumières. Sans parvenir lui-même aux plus hautes responsabilités, Valfons a côtoyé les grands chefs civils et militaires de son temps – le maréchal de Saxe, le comte de Clermont, Richelieu, Soubise, le comte d’Argenson, Choiseul – , et participé aux grands sièges et aux grandes batailles du règne. Sans pathos, il entraîne le lecteur au cœur des misères de guerres qui ne sont nullement «en dentelles».

L’auteur n’est pas moins à l’aise à la ville et à la cour que sur les champs de bataille : ses Souvenirs sont un perpétuel va-et-vient entre le théâtre de ses exploits guerriers et celui de ses prouesses amoureuses, narrées avec complaisance. Le marquis a été plus heureux dans la carrière de Vénus que dans celle de Mars, les succès ne lui ont pas manqué – il a été l’amant de la princesse de Rohan et de la comtesse d’Argenson, femme du ministre de la guerre –, il finit par faire un mariage d’amour avec une riche héritière qui l’attendait patiemment… depuis dix-sept années ! Là encore, Valfons approche les grands et nous livre quantité d’anecdotes sur les intrigues de cour, sur Louis XV, sur le premier cardinal de Rohan ou sur Madame de Pompadour. Retraité après la guerre de Sept Ans, il reçoit bien tardivement les honneurs auxquels il aspirait (le cordon rouge en 1771, le grade de lieutenant général en 1780), et se partage entre Versailles et la capitale, où il meurt en 1786 : les Souvenirs se closent sur l’évocation des audaces de la mode parisienne cette année-là.

L’intérêt de ce livre va au-delà du simple réservoir d’historiettes guerrières ou galantes. Il nous brosse l’autoportrait d’un gentilhomme sans talents exceptionnels mais qui s’efforce de se conformer à un type idéal, qui serait celui de l’«l’homme d’honneur» : le marquis est libertin sans compromettre ses maîtresses, bon militaire sans flatter exagérément ses chefs ni desservir ses camarades, fin courtisan sans se faire délateur ou valet des gens en place. «Il faut faire le bien, observe le héros en passant, pour la récompense de l’avoir fait, c’est la seule manière d’être content de soi et des autres.» Bref, Valfons n’est pas Valmont, et l’esprit des Souvenirs n’est pas celui des Liaisons dangereuses.

Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 23/02/2004 )
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