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Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

La Petite Cour - Services et serviteurs à la Cour de Versailles au XVIIIe siècle
de William R. Newton
Fayard 2006 /  40 €- 262  ffr. / 662 pages
ISBN : 2-213-61900-X
FORMAT : 16,5cm x 23,5cm

Préface de Pierre Arizzoli-Clémentel.

L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye est professeur agrégé et poursuit une thèse consacrée au fils de Louis XIV.


L’envers du décors

Plus de trois siècles après sa construction, Versailles fascine toujours autant, notamment les Américains. Ainsi, en 2000, Richard Newton, dans un livre intitulé L’Espace du roi, commençait une entreprise digne d’un des plus grands châteaux d’Europe : reconstituer le plan général des appartements de Versailles et leurs occupants successifs sous l’Ancien Régime. Les très nombreux plans et un système simple de numérotation des salles permirent enfin de donner un caractère concret à la vie quotidienne du château. Il restait à étudier l’envers du décors : les espaces occupés par la foule des serviteurs de la famille royale, logés dans les bâtiments annexes. C’est chose faite depuis la parution de La Petite cour. Services et serviteurs à la cour de Versailles au XVIIIe siècle.

Il serait bien difficile d’exposer l’idée maîtresse de cet ouvrage, dans la mesure où il s’agit moins d’un livre à thèse, que d’un dictionnaire des offices et des officiers de la maison du roi, de la reine et des enfants de France. L’intérêt de l’ouvrage réside dans le souci méticuleux de l’auteur d'indiquer les lieux d’habitation ou de travail des domestiques grâce à des index, des plans précis et des renvois multiples.

Contrairement au premier volume, l’étude ne commence qu’en 1723, date à laquelle Louis XV regagne Versailles après l’interlude parisien de la régence. Il s’achève avec le départ de Louis XVI, en octobre 1789. Les lacunes documentaires pour le XVIIe siècle ont malheureusement empêché l’auteur de traiter le Grand siècle. Ce manque a été judicieusement compensé par une description précise du fonctionnement des maisons royales. En effet, au-delà de l'histoire d'une administration domestique, l'auteur s'intéresse à la dignité du monarque qui doit encore, au XVIIIe siècle, se dire dans la multiplicité des serviteurs attachés à sa personne.

S’il est bien difficile de donner précisément le nombre de domestiques chargés du service de la famille royale, Richard Newton avance tout de même le chiffre de trois mille personnes. Leur nombre n’a cessé de s’accroître tout au long du XVIIIe, ce qui explique en partie l’augmentation continue des dépenses extraordinaires. Elles passèrent de 800 000 livres par an à plus de deux millions. L’agrandissement de la famille royale et l’allongement des séjours de Louis XV dans ses maisons d’agréments à Choisy, Compiègne ou encore Fontainebleau expliquent cette inflation. Il faut attendre la dernière décennie de l'Ancien Régime pour connaître une véritable diminution des effectifs et une volonté réelle de réformer l’institution.

Le monde des serviteurs à Versailles était socialement hétérogène. La vénalité des charges réservait les offices supérieurs aux plus fortunés. Ils transmettaient leur office à la personne de leur choix grâce au survivance. C’est ainsi que de véritables dynasties de serviteurs se sont constituées parfois depuis la fin du XVIIe siècle jusqu’à la Révolution. Les emplois subalternes étaient quant à eux rémunérés au jour le jour.

Appartenir à une maison royale ou princière procurait de nombreux privilèges comme des gratifications, des pensions ou encore le couvert et le logis. Le principe hiérarchique réglait l’attribution des logements. Les officiers supérieurs étaient logés au château tandis que les moins fortunés se contentaient de bâtiments périphériques : le grand commun construit le long de l’aile sud du château, dès 1682, l’hôtel des Louis et l’hôtel des Nyert, tous deux acquis au XVIIIe siècle par le roi.

Le grand commun, construit sur trois étages entresolés, était assurément le bâtiment le plus importante car il regroupait non seulement une partie des services des maisons, mais le nombre le plus considérable de logements. Si les appartements du premier étage étaient relativement vastes, les étages supérieurs offraient des pièces plus ou moins grandes, avec ou sans cheminée, avec ou sans cuisine. Le manque de place a poussé très vite les locataires à coloniser les combles, ou «brisis» selon le vocabulaire de l’époque. Ces réduits où l’on se tenait à peine debout se caractérisaient par leur manque de lumière, le froid qui y régnait l’hiver et la chaleur excessive l’été. Les risques d’incendie alimentaient d’ailleurs les récriminations perpétuelles du contrôle général des bâtiments.

Derrière les ors et les marbres, un autre Versailles fait de garçons porteur d’eau, d’officiers se réservant les restes des repas princiers pour les vendre, apparaît à la lecture de cet ouvrage qui fait déjà date. Il permet d'appréhender avec plus de justesse la grande machine versaillaise sans s’égarer dans ce dédale de couloirs, d’escaliers, d’entresols qu’était Versailles. Attendons avec impatience les prochains volumes à paraître consacrés aux écuries et aux cuisines!

Matthieu Lahaye
( Mis en ligne le 31/01/2007 )
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