L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

1914-1918 - Retours d'expériences
de Christophe Prochasson
Tallandier - Texto 2008 /  10 €- 65.5  ffr. / 430 pages
ISBN : 978-2-84734-510-0
FORMAT : 12cm x 18cm

L'auteur du compte rendu : Thérèse Krempp mène une recherche en doctorat à l'Ecole des hautes études en sciences sociales sur l'armée française d'Orient pendant la Première Guerre mondiale. Avec Jean-Noël Grandhomme, elle a publié Charles de Rose, pionnier de l'aviation de chasse (éditions de la Nuée Bleue, septembre 2003).

La Grande guerre : axes de recherche

Historien de la France contemporaine, Christophe Prochasson est spécialisé dans l’histoire culturelle de la politique. Membre du comité directeur du Centre de recherche de l’Historial de la Grande Guerre (Péronne), une grande partie de ses travaux porte également sur la Première Guerre mondiale. L’ouvrage présenté ici reprend plusieurs études de l’auteur parues dans des ouvrages collectifs ou des revues. Elles ont été remaniées et mises à jour pour la présente publication.

Le titre donné à l’introduction pose d’emblée l’une des interrogations principales du livre : «Comment écrire l’histoire de la Grande Guerre ?» Présentant l’évolution historiographique des études sur 14-18, l’auteur souligne le recul progressif de l’histoire à grande échelle et l’intérêt sans cesse croissant, depuis maintenant une vingtaine d’années, d’une vision à échelle humaine, d’un investissement de l’expérience du soldat, c’est-à-dire son vécu, la perception qu’il en a eu et le discours qu’il a construit. Le réveil historiographique s’est accompagné d’importants débats portant essentiellement sur les notions de consentement et de contrainte, de vainqueur et de victime. La première notion fait du poilu un homme qui se sacrifie consciemment pour défendre une cause ; la seconde en fait une victime qui meurt par erreur à cause de la bêtise des gouvernants ou de l’incurie des chefs militaires. C’est cette «survictimisation», apparue durant les vingt dernières années, qui prévaut actuellement lorsqu’on présente certains événements (qui sont pourtant restés exceptionnels pendant la guerre) à forte charge émotionnelle : fraternisations, désertions, actes d’indiscipline.

Ch. Prochasson s’interroge : comment rendre correctement compte de la guerre ? Cette question, les contemporains se la sont également posées et la publication considérable de témoignage de soldats dès le début du conflit tente d’y répondre. Par ces publications, le statut du soldat glisse, non sans ambiguïté, de celui d’acteur à celui de témoin, dépositaire de la mémoire d’une expérience unique. Le témoignage joue un rôle très important dans les publications sur la guerre car la désinformation et les fausses rumeurs ont exacerbé le besoin de «dire la vérité». L’histoire culturelle de la Première Guerre mondiale a constitué un tournant historiographique radical. Par elle, les historiens sont devenus friands de récits oubliés, témoignages de soldats transformés en écrivains par la guerre. La Grande Guerre a ouvert l’ère du témoin. Un outil de travail bien délicat à manier que celui du témoignage. Malgré toutes les mises en garde bien connues de l’historien, ce dernier a toujours du mal à se défaire d’une certaine tendance à accorder une confiance excessive au témoin de l’expérience historique.

Le renouveau de l’historiographie de la guerre passe par l’histoire culturelle. Comme le souligne Ch. Prochasson, l’histoire culturelle souffre en France d’une indéfinition et la notion de culture est parfois encore mal cernée. La notion de «culture de guerre» a cependant permis d’ouvrir le champ d’investigation de l’historiographie de la Grande Guerre, qui était auparavant largement dominée par l’histoire politique et diplomatique, mais aussi par la grande tradition de l’histoire militaire.

Après avoir appliqué ses méthodes d’analyse aux notions de «vrai» et de «faux», aux «atrocités allemandes» et au «consentement», l’auteur s’interroge sur la question du témoignage (deuxième partie), avec bien sûr l’œuvre centrale de Jean Norton Cru mais aussi une présentation du témoignage des correspondances. Enfin la troisième partie de l’ouvrage porte sur l’action des intellectuels pendant la guerre, savants et écrivains. L’épilogue aborde la thématique des sorties de guerre. Comme l’écrit Ch. Prochasson, en pensant bien sûr à son propre rôle d’historien : «On ne revient pas des champs de bataille, même réduits à l’état de vieux papiers, sans quelque blessure».

Thérèse Krempp
( Mis en ligne le 29/10/2008 )
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