L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

La Guerre contre Paris. 1871
de Robert Tombs
Aubier - Historique 2009 /  25 €- 163.75  ffr. / 380 pages
ISBN : 978-2-7007-0248-4
FORMAT : 14,5cm x 22cm

L’auteur du compte rendu : Rémi Luglia, professeur agrégé d’Histoire et interrogateur en deuxième année dans une classe préparatoire commerciale, est doctorant à Sciences-Po Paris où il mène une recherche sur l’histoire de la protection de la nature en France de 1854 à nos jours à travers le mouvement associatif.

Le mythe revisité

La Commune de Paris - et son tragique dénouement - a depuis longtemps inspiré les écrivains, y compris les historiens, mais en suscitant bien souvent un parti pris idéologique. On est pour ou contre la Commune, pour ou contre Versailles. Dépassant cette querelle, Robert Tombs va s’attacher aux faits, précis, vérifiés, en les documentant. Puis il s’interroge sur ce moment historique si fort, en tant qu’acmé des tensions françaises.

Avec Robert Tombs on se demande alors si l’écrasement sanglant de la Commune n’est pas un des épisodes d’une guerre franco-française de la province contre Paris, des royalistes-conservateurs contre les républicains-révolutionnaires, de la bourgeoisie contre les ouvriers. On perçoit bien l’extrême pertinence de ces interrogations pour l’histoire de la France post-1789. Ce sont les origines du modèle politique français qui sont ici interrogées à tous les niveaux d’analyse. Et la Commune de Paris constitue à maints égards la conclusion du mouvement révolutionnaire entamé en 1789. La violence déchaînée, «barbarie moderne» pour Robert Tombs, tourne la page révolutionnaire et prépare l’avènement d’une République désormais gage de stabilité. Au-delà d’un simple, et énième, ouvrage racontant la succession de faits, nous avons une mise en perspective historique de grande qualité, fondée sur une très grande richesse du détail et une parfaite connaissance de la bibliographie.

Le plan, bien évidemment chronologique, évite habilement l’écueil du simple récit en multipliant les approches et les points de vue. Ainsi, le lecteur pourra suivre l’évolution des mentalités et des comportements des soldats de l’armée régulière (les «versaillais») : d’abord plutôt favorables aux fédérés et assez indisciplinées, y compris des officiers souvent «républicains», les forces du gouvernement vont être reprises en main. L’armée qui se lance à l’assaut de Paris, pourtant largement composée des mêmes hommes, a finalement assez peu à voir avec celle qui n’a pas été capable de saisir les canons des fédérés. Ce processus est essentiel pour comprendre le dénouement tragique de cette histoire et la violence dont certaines unités ont fait preuve pour «punir» Paris. Il reste que le gouvernement et les chefs de l’armée se méfient fortement de leurs hommes, que ce soit avant les combats, pendant et même après. Mais entre l’opération ratée du 18 mars et la reprise de Paris du 21 au 28 mai, le contexte est radicalement différent. Robert Tombs souligne à cet égard l’importance du rôle des officiers d’active, de retour de leur captivité prussienne, dans cette reprise en main des soldats.

De la même façon, Robert Tombs analyse finement la diversité des participants à la Commune. Bien loin d’être monolithique, ce mouvement mêle au contraire des personnages très variés aux attentes sensiblement différentes. On est bien loin du mouvement de masse décrit par certains auteurs.

Cet ouvrage de grande qualité séduit par l’ampleur de ses analyses. On peut cependant regretter le manque de structuration interne des parties, qui noie parfois le propos sous une masse de faits, certes utiles à la démonstration, mais qui alourdissent le style au détriment de la clarté du propos.

Rémi Luglia
( Mis en ligne le 26/05/2009 )
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