L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Le Troisième Reich - Volume 1 - L'avènement
de Richard-J Evans
Flammarion - Au fil de l'histoire 2009 /  27 €- 176.85  ffr. / 718 pages
ISBN : 978-2-08-210111-0
FORMAT : 16cm x 25cm

Traduction de Barbara Hochstedt.

Les auteurs du compte rendu :

Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié Les Demeures du Soleil, Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003), Vauban : l'intelligence du territoire (2006, en collaboration), Les Ministres de la Guerre, 1570-1792 : histoire et dictionnaire biographique (2007, dir.).

Jean-Pierre Sarmant est inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale.


Genèse du national-socialisme

Voici le premier de trois volumes consacrés au troisième Reich. N’a-t-on pas déjà assez entendu parler de cette période ? En l’an 2000, une bibliographie de référence enregistrait déjà trente-sept mille titres relatifs à l’histoire de l’Allemagne national-socialiste !

Il s’agit le plus souvent d’ouvrages consacrés à des aspects particuliers, et les histoires générales de la période sont rares. Pour ceux qui auraient déjà lu le célèbre livre de William Shirer, on peut assurer que la présente série ne fait en rien double emploi. Le livre de Shirer avait toutes les qualités – et parfois les limites – d’un témoignage. L’ouvrage de Richard Evans diffère aussi du Hitler de Ian Kershaw, qui est une biographie et bénéficie des recherches les plus récentes. Ce début du XXIe siècle, qui peut tirer profit de sources nouvelles, telles que les carnets de Josef Goebbels ou les archives soviétiques, est favorable à la parution d’un nouvel ouvrage de référence sur le nazisme.

De façon attendue, le livre s’ouvre sur la question de l’enracinement du nazisme dans l’histoire de l’Allemagne. La réponse proposée, argumentée tout au long de l’ouvrage, est équilibrée : bien que le national-socialisme ne soit nullement l’issue fatale de l’ensemble de l’histoire allemande, il doit une partie de son succès au fait qu’il a puisé dans des traditions et des phénomènes et traditions politiques spécifiquement allemands.

Remontant à la fondation en 1871 du second Reich bismarckien, R. Evans décrit l’émergence au cours de la fin du XIXe siècle d’un maelström d’idées politiques radicales, dont le nazisme finit par surgir, et insiste sur la puissance que celui-ci a déjà accumulée à l’orée du XXe siècle. C’est ainsi qu’au début des années 1920 les composantes fondamentales du nazisme naissant – nationalisme extrême, antisémitisme haineux, mépris de la démocratie – ne sont en rien originales. Partagées par un grand nombre de mouvements politiques, elles diffusent à divers degrés dans une large part de la population.

Parmi les sources du succès du nazisme, l’auteur souligne bien entendu le rejet du traité de Versailles, universel dans l’opinion allemande, tout en prenant ses distances avec l’idée largement répandue de la dureté excessive de ses conditions. Pour lui, les réparations exigées n’excédaient pas les ressources du pays et les nationalistes allemands, persuadés qu’on leur avait injustement volé la victoire, auraient condamné n’importe quel traité de paix.

Après une description saisissante du chaos et de la violence politique extrême du début des années 1920, l’ouvrage tempère la description habituelle des années 1924-1928, souvent présentées comme l’âge d’or de la République de Weimar, en soulignant la persistance de la violence politique et en montrant combien la légitimité du régime dans l’opinion reste limitée et comment ses soutiens politiques, toujours réticents dans les partis bourgeois et liés à la peur du communisme, faiblissent au fur et à mesure que le danger du bolchevisme semble s’estomper.

Rejoignant l’opinion la plus répandue, l’auteur pense toutefois qu’après ces eaux relativement calmes, le parti national-socialiste serait resté un mouvement de second ordre sans la crise économique. Pour la phase 1930-1933 de l’avènement nazi, il attribue un rôle très important aux erreurs du parti communiste. Aveuglé par ses schémas idéologiques, ce dernier a voulu croire jusqu’au bout que son propre triomphe succéderait rapidement à la prise de pouvoir par les nazis.

Ce premier volume s’achève par le récit de la prise en main fulgurante, à la fois brutale et subtile, de l’ensemble de la société allemande au cours des six premiers mois de 1933. Cette narration, étayée par la citation de journaux personnels ou d’études locales, est vivante au point de donner, trois quarts de siècle après les événements, froid dans le dos.

Tout en se présentant pour l’essentiel comme un récit chronologique, ce volume donne toute leur place à des aspects thématiques rarement traités dans un même ouvrage : analyse électorale fine (accompagnée de cartes détaillées), liens entre engagements politiques et appartenance religieuse, attitude des différentes catégories socioprofessionnelles, origine géographique et sociale des dirigeants, évolution culturelle et évolution des mœurs, vie universitaire, etc.

Ce premier volume d’une très grande qualité annonce une histoire du troisième Reich particulièrement complète.

Jean-Pierre et Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 30/06/2009 )
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