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Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

L'Apocalypse de la modernité - La Grande Guerre et l'homme nouveau
de Emilio Gentile
Aubier - Historique 2011 /  26 €- 170.3  ffr. / 415 pages
ISBN : 978-2-7007-0401-3
FORMAT : 13,5cm x 22cm

Traduction de Stéphanie Lanfranchi

Aux origines de la crise de la modernité

«Des arbres sont là : une file de troncs de saules écorchés, quelques-uns larges comme des faces, d’autres creusés, béants, semblables à des cercueils debout. Le décor au milieu duquel nous nous débattons est déchiré et bouleversé, avec des collines, des gouffres et des ballonnements sombres, comme si tous les nuages de la tempête avaient roulé ici-bas. Par-dessus cette nature suppliciée et noire, la débandade des troncs se profile sur un ciel brun, strié, laiteux par places et obscurément scintillant – un ciel d’onyx» (p.10). C’est ainsi qu'Henri Barbusse a dépeint une scène apocalyptique de la Grande Guerre, à laquelle Emilio Gentile vient de consacrer un ouvrage.

Spécialiste du fascisme, qu’il considère comme «l’assaut contre les Lumières», Emilio Gentile se penche dans L’Apocalypse de la Modernité - La Grande Guerre et l’Homme Nouveau sur les quatre années de combats, de sacrifices et de massacres qui eurent lieu entre 1914 et 1918. Souvent tenue pour le premier suicide collectif du Vieux Continent, la Grande Guerre a bouleversé le monde. Lorsque prirent fin les affrontements, hébétés, les Européens ne purent que contempler les ruines de la modernité. En effet, la Première Guerre mondiale anéantit, blessa et mutila des millions d’êtres humains. «Entre 1914 et 1918, environ 900 Français et 1 300 Allemands moururent chaque jour à l’ouest, sans modifier de plus de quelques mètres ou de quelques kilomètres la ligne de front entre les deux armées, terrées dans leurs tranchées». Au final, ce sont 10 millions d’individus qui trouvèrent la mort.

Longtemps, l’issue de la guerre demeura des plus incertaines. Les rebondissements furent, il est vrai, extrêmement nombreux. Rien que pour 1917 et 1918, l’historien cite pêle-mêle l’intervention américaine, la déroute de l’armée italienne à Caporetto, la révolution bolchevique en Russie, l’armistice entre la patrie naissante du socialisme et les empires centraux, l’ultime offensive de l’Allemagne sur le front occidental, qui parvint à une centaine de kilomètres de Paris, comme en 1914, mais qui fut finalement repoussée. Rien ne semblait pouvoir mettre un terme aux hostilités. A ce propos, Jünger écrivit, après quatre années passées au front : «nous nous enfonçons toujours plus profondément dans la guerre ; il s’est instauré une situation d’équilibre au sein de laquelle toute décision rapide et tranchée est pratiquement exclue. Parfois, il me vient à l’esprit que notre entrée en campagne a marqué le début d’une nouvelle guerre de Cent Ans ; l’image de la paix semble lointaine et irréelle comme un songe ou comme un monde de l’au-delà» (cit.p.11).

Au fil des pages, E. Gentile s’interroge sur les fondements de la crise de la modernité. Pour lui, l’idée selon laquelle la modernité conduit au désastre est bien antérieure à la Grande Guerre en elle-même. Elle existait dès la Belle Époque. L’historien s’appuie dans cet ouvrage sur des sources nombreuses et diverses. Il fait notamment appel aux discours des artistes, des peintres, des poètes, des philosophes ainsi qu’à leurs façons d’appréhender le monde.

Très complet et dense, l’ouvrage conduit le lecteur à s’interroger plus avant sur les ressorts profonds de la modernité.

Jean-Paul Fourmont
( Mis en ligne le 08/03/2011 )
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