L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Histoire de la société allemande au XXe siècle - Coffret en 3 volumes
de Marie-Bénédicte Vincent , Alain Lattard et Sandrine Kott
La Découverte - Repères 2011 /  28,50 €- 186.68  ffr. / 378 pages
ISBN : 978-2-7071-6911-2
FORMAT : 12,4cm x 19,3cm

L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin.

Les trois temps de l'Allemagne contemporaine

Outre-Rhin, la thèse du Sonderweg a longtemps fait florès. Il s’agissait alors de démontrer qu’à partir du milieu du XIXe siècle l’histoire allemande avait emprunté une voie particulière par rapport à celle des autres pays occidentaux comme la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis d’Amérique. Si le contenu de ce Sonderweg ainsi que la façon dont il a été considéré évoluèrent très sensiblement au fil des époques, il signifiait initialement que l’Allemagne s’était modernisée sans se démocratiser. A cet égard, Karl Marx brocarda la «misère allemande» : plutôt que de s’allier avec le peuple, la bourgeoisie préféra collaborer avec les princes et l’aristocratie pour réformer le pays.

Dans l’Histoire de la société allemande au XXe siècle, la question de ce Sonderweg revient fréquemment. Parue aux éditions La Découverte, cette Histoire se compose de trois ouvrages : Le premier XXe siècle 1900-1949 de Marie-Bénédicte Vincent, La RFA 1949-1989 d’Alain Lattard et pour finir La RDA 1949-1989 de Sandrine Kott. Les trois auteurs sont des experts reconnus de l’histoire de l’Allemagne. Le pari était audacieux, tant l’histoire de la société allemande a été hétérogène au cours du siècle dernier. Y rechercher une certaine unité parait s’apparenter à une véritable gageure. Il est vrai que l’Allemagne a connu une longue valse de régimes : d’abord l’Empire jusqu’en 1918, puis la République de Weimar jusqu’en 1933, ensuite le IIIe Reich jusqu’en 1945, puis le statut d’occupation jusqu’à la fondation de la République fédérale d’Allemagne à l’Ouest et de la République démocratique allemande à l’Est en 1949. Pourtant, en dépit de cette riche succession de régimes politiques, l’unité existe bel et bien. Elle s’exprime notamment par le biais de deux évolutions majeures : l’homogénéisation de la société ainsi que sa modernisation.

Dans le premier tome de cette Histoire, Marie-Bénédicte Vincent, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université d’Angers, se penche sur l’histoire de la société allemande du premier XXe siècle. Sortie déstructurée et désorientée après la Seconde Guerre mondiale, la société allemande a connu de profondes transformations depuis le début du siècle. Si la nationalisation de la population s’est approfondie, les classes sociales semblent s’être quelque peu décloisonnées. L’Etat a quant à lui renforcé sa centralisation. A bien des égards, la société de la République de Weimar est moderne : si elle s’est urbanisée et est entrée dans la seconde industrialisation, de criantes inégalités sociales demeurent. Toutefois, ces mutations ne devaient pas nécessairement conduire au nazisme. La plupart des historiens récusent à cet égard le déterminisme lié à la thèse du Sonderweg. Ce qui a néanmoins posé problème, c’est que les forces du progrès ne sont pas parvenues à rallier une majorité à leur cause. Dans ce contexte, Hitler a offert aux Allemands défaits lors de la Grande Guerre de renouer avec la puissance. Ce qui a conduit l’Allemagne à la guerre, puis à la défaite, à l’occupation et in fine à une durable division du fait des débuts de la Guerre Froide.

Au cours du second tome, le professeur Alain Lattard revient sur l’histoire de la République fédérale d’Allemagne. Entre sa fondation au sortir de la Seconde Guerre mondiale et la chute du Mur de Berlin en 1989, la société ouest-allemande a non seulement fait l’expérience de la reconstruction, mais encore de la modernisation dans un climat plutôt conservateur. Toutefois, cette période se caractérise par une certaine cohérence fondée notamment sur la croissance de l’Etat social, sur la soziale Marktwirtschaft (l’économie sociale de marché), sur l’amélioration continue du niveau de vie et sur d’incontestables progrès de la culture politique en matière de démocratisation, de pluralisme et de rapport critique au passé. Si l’histoire de la République fédérale d’Allemagne constitue indéniablement un succès, comme en témoignent certains aspects du «miracle économique», tel n’a pas tout à fait été le cas de sa voisine de l’Est.

Dans le troisième et dernier tome de cette Histoire de la société allemande au XXe siècle, Sandrine Kott étudie la trajectoire bien particulière de la République démocratique allemande, dans le cadre de laquelle a progressivement émergé «une autre société allemande». Les dirigeants est-allemands ont en effet contribué à façonner «une société centrée autour du travail, plus homogène, plus communautaire, mais aussi fermée, peu tolérante et qui se surveille elle-même». De cette société est-allemande devaient sortir un homme nouveau et surtout une femme nouvelle. Naturellement, le projet des élites est-allemandes ne parvint pas à se concrétiser totalement en raison d’évolutions sociales incontrôlables et de l’attraction du modèle capitaliste. Ce qui a eu pour effet de dévoiler plus avant les contradictions internes du système et a conduit les dignitaires du régime à de certains arrangements. Finalement, entre septembre 1989 et octobre 1990, la République démocratique s’effondra et l’unification à la République fédérale put se réaliser.

Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 20/09/2011 )
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