L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

L'Inconscient au paradis - Comment les catholiques ont reçu la psychanalyse (1920-1965)
de Agnès Desmazieres
Payot 2011 /  21.50 €- 140.83  ffr. / 271 pages
ISBN : 978-2-228-90666-1
FORMAT : 14cm x 22,5cm

Foi et pulsions

Dans son récent ouvrage intitulé L’Inconscient au paradis paru aux éditions Payot, Agnès Desmazières s’intéresse à la réception de la psychanalyse dans les milieux catholiques. Ce dialogue entre les tenants du freudisme et les hiérarques de l’Eglise fut tantôt constructif tantôt conflictuel. Il ne fut en aucun cas linéaire. En effet, comme le relève à juste titre l’historienne, si la psychanalyse est née dans des cercles principalement juifs et protestants, celle-ci s’est très tôt et très fréquemment heurtée avec le catholicisme. A tel point que, peu à peu, l'Église a été conduite à faire évoluer les lignes forces de l’anthropologie qu’elle avait développée et véhiculée depuis des siècles.

En fondant la psychanalyse, Freud a en effet ébranlé très directement l'Église et, avec elle, les fondements de la foi catholique. Plus spécialement, en accordant un rôle décisif à la fois et à l’instinct sexuel et à une métaphysique antireligieuse, la psychanalyse a conduit à battre en brèche certaines de ses convictions morales les plus fondamentales. En effet, la psychanalyse n’est pas sans poser de question à l'Église en matière de sexualité et de spiritualité, bien au contraire. A cet égard, l’auteure s’interroge sur le point de savoir si l'Église peut désormais nier toute jouissance dans l’acte sexuel, si l’évocation du péché est source de culpabilité, et si in fine il faut faire le deuil de l’illusion religieuse. En favorisant la sécularisation de l’âme, la théorie freudienne de l’inconscient a bousculé la conception catholique de l’être humain, laquelle se fondait depuis les origines sur le primat de la conscience de l’individu qui serait tant le siège de la vie morale que celui de la vie spirituelle.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les catholiques sont devenus les interlocuteurs directs des tenants du freudisme, et ce des deux côtés de l’Atlantique. C’est la riche histoire de ces quarante-cinq ans d’interactions qu’Agnès Desmazières passe au crible dans cet intéressant ouvrage. Nombreux furent en effet les catholiques à encourager une reconnaissance officielle de la psychanalyse de la part de l'Église. Parmi ceux-ci, on retrouve des personnes vraiment diverses, comme par exemple des médecins, des théologiens, etc. Pour ce faire, l’historienne a étudié les archives secrètes du Vatican. Ce faisant, elle met en lumière les multiples enjeux intellectuels produits par cette rencontre entre la psychanalyse et l'Église. Cette enquête mène notamment à la conclusion que l'Église ne joue pas véritablement un rôle d’avant-garde concernant la libéralisation des mœurs !...

Finalement, on a assisté à une sorte de «nouvelle alliance» entre le catholicisme et la psychanalyse, tributaire de la «psychologie des profondeurs» développée par Pie XII qui mettait l’accent sur le «besoin de croire» de l’individu. Ainsi se dessine donc une incursion du religieux dans la psychanalyse. Celle-ci se moralise dans le cadre d’une éthique médicale.

Jean-Paul Fourmont
( Mis en ligne le 18/10/2011 )
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