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Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

La Résistance spirituelle, 1941-1944 - les Cahiers clandestins du Témoignage chrétien
de François Bédarida et Renée Bédarida
Albin Michel 2001 /  19.08 €- 124.97  ffr. / 411 pages
ISBN : 2-226-11711-3

Résister par la plume et par la foi

Lorsque Maurice Schumann dit du Père Chaillet, fondateur des Cahiers du Témoignage chrétien, qu’il a été son « 18 juin spirituel », l’impact du discours développé dans l’opuscule est immédiatement intelligible car c’est bien autant de Résistance que de Spiritualité qu’il est question. Au fil du livre, François et Renée Bédarida, en prenant l’option, sinon de l’édition critique du moins de l’anthologie explicative, rendent compte d’une aventure humaine. Pendant près de quatre années, des hommes et des femmes, dont beaucoup diront plus tard qu’ils « n’ont fait que leur devoir » s’engagent au service d’une cause dont l’ambition s’exprime dans les colonnes des Cahiers.

Choisissant la liberté, ils écoutent leurs conscience refusant de s'adosser aux fondations réputées chrétiennes de la « Révolution nationale » ; humanistes, ils s’engagent « avec les armes de l’esprit » dans une bataille contre les théories racistes, l’outrancière valorisation aryenne et le feu roulant des brutalités dirigées à l’encontre des Untermenschen. Puisant leur message du côté du « renouveau doctrinal et pastoral » des années 1920 et 1930 et trouvant des modèles dans les paroles de Bernanos ou de Péguy, en véritables pionniers de « Vatican II », ils prônent : une spiritualité incarnée, un retour aux sources bibliques, une réflexion sur les racines juives du christianisme et plus encore, affirment l’adage que « chacun est responsable de son prochain ».

D’inspiration universaliste, volontiers œcuménique puisque rassemblant dans l’action catholiques et protestants, Témoignage chrétien décline les principes républicains des « droits de l’homme » pour en reconnaître les valeurs chrétiennes. Bien plus qu’un matériel de propagande, les livraisons des Cahiers au style érudit et au phrasé littéraire émaillé d’innombrables renvois, entendent susciter la réflexion. Le premier numéro au titre évocateur « France, prends garde de ton âme », paraît en novembre 1941. Loin de demeurer un unicum, il est l’amorce d’une série de vingt-neuf fascicules qui se clôt pendant l’été 1944 sur un « Espoir de la France ».

Le succès, tout au moins le retentissement, est réel. Il se mesure à l’aune d’un double critère : son exportation jusqu’aux États-Unis, mais plus encore les vagues d’adhésion massive qu’il suscita. Les milieux ad hoc sont demandeurs et les étudiants en lettres, histoire et médecine, à l’écoute. Des figures intellectuelles laïques s’engagent aussi : à preuve, les sympathies manifestes de Stanislas Fumet, apôtre du renouveau catholique français, proche de François Mauriac ou de Jacques Maritain ou bien celles d’universitaires antiquisants, tels André Mandouze ou Henri Marrou.

L’ouvrage se lit avec ferveur. Le décor est planté par François Bédarida qui propose une vision cavalière nourrie d’une culture tant historique que religieuse. Quand au cœur du livre, il est découpé selon les parutions de la revue, toujours précédées d’un commentaire attentif établi par Renée Bédarida. Il se dévoile ainsi par « morceaux » piochés d’abord dans les Cahiers, puis dans sa version allégée Le Courrier français du Témoignage chrétien, lieu du front de résistance spirituelle contre l’hitlérisme. Somme de référence autant que témoin d’une action clandestine, ce recueil, au militantisme sincère et revendiqué, parle à tous ceux qui entendent « mener une lutte acharnée pour le salut de l’humanité ».

Agnès Callu
( Mis en ligne le 11/10/2001 )
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