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Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

La Conspiration du général Malet - 23 octobre 1812 - Premier ébranlement du trône de Napoléon
de Thierry Lentz
Perrin 2012 /  23.50 €- 153.93  ffr. / 340 pages
ISBN : 978-2-262-03238-8
FORMAT : 14,2cm x 21,2cm

L'auteur du compte rendu : Pascal Cauchy est maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris et chercheur au Centre d’histoire de Sciences-Po. Il a notamment publié La IVe république (2004) et Il n’y a qu’un bourgeois pour avoir fait ça ! L’affaire de Bruay en Artois (2010).

Un éclatant coup d’État

La conspiration du général Malet, qui se déroula en octobre 1812 alors que l’empereur était à Moscou, est une des histoires les plus rocambolesques qui soient. Profitant de l’absence durable de Napoléon, un officier général, prisonnier d’Etat, entreprend un coup d’Etat des plus audacieux, et parvient en une nuit à renverser l’Empire et ce, sans complice aucun, ou presque.

Le général Malet est un de ces officiers forgés par la révolution, mais ses qualités n’ont guère prévalu à lui procurer une brillante carrière militaire. Des malversations durant son séjour en Italie l’ont mené vers une voie de garage et dans les effluves de la rancœur. Dès lors, une carrière de comploteur lui sied mieux. En 1808, une aventure risque de lui couter cher. Mais, son cas, pris dans un jeu complexe de rapport de force au sommet de l’Etat, lui vaut la mansuétude de l’Empereur.

C’est dans sa résidence forcée, la maison du docteur Dubuisson, près de la barrière du Trône, que Malet fomente un coup plus spectaculaire encore. Son projet est d’une extrême simplicité. Il lui suffit d’apparaître en grand uniforme à l’entrée d’une caserne, d’annoncer la mort de l’Empereur devant Moscou, de faire croire à la formation, par le Sénat, d’un gouvernement provisoire et de distribuer des dizaines d’ordres et de sénatus-consultes. En 24 heures, Paris doit être en état de siège, les principaux centres du pouvoir occupés par la garnison, les ministres et les préfets arrêtés et remplacés par des détenus politiques qu’un ordre opportun aura fait libérer.

Ainsi, sans véritable complice, uniquement sur la foi en une fausse nouvelle, Malet s’attache des fidélités, ses ordres son exécutés. Le préfet de la Seine est arrêté, Savary le ministre de l’intérieur, chef de toutes les polices de l’Empire, est surpris au saut du lit. Mais, tout chancèle quand le colonel Doucet refuse de croire à la terrible nouvelle et soupçonne d’emblée Malet d’être un mystificateur. Le comploteur est arrêté mais son complot perdure, il faut remonter la chaine des ordres pour mettre fin à l’invraisemblable affaire.

Les autorités se ressaisissent. Mais les sanctions sont à la hauteur de la peur des chefs. 14 condamnés à mort, Malet et ses complices malgré eux dont la plupart ne se connaissaient pas. A son retour, Napoléon comprend toute de suite la gravité de l’affaire. Ce complot de Vaudeville révèle la fragilité de tout le système impérial. Le réflexe dynastique n’avait même pas opéré une salutaire préservation de l’édifice. Personne n’avait, durant ces quelques heures dramatiques, songé un seul instant au Roi de Rome.

Thierry Lentz nous compte ici cette aventure dans ses moindres détails, il a renoué le fil qui tient tous les acteurs de l’affaire grâce à une lecture patiente des archives, une parfaite connaissance des écrits du temps et une remarquable érudition. Il nous propose un grand livre d’histoire dans lequel l’événement est comme la carotte de forage dans l’Antarctique, qui permet de remonter le temps avec une grande précision et de ramener à la surface une foule d’informations précieuses et inédites.

L’auteur nous livre un passionnant regard sur les mécanismes du pouvoir impérial au fait de sa puissance. Les rivalités y ont leur place, les ambitions aussi mais les enjeux sont considérables dans un pays qui domine l’Europe de Madrid à Moscou. Enfin, c’est aussi l’histoire de toute une génération née de la Révolution qui tente d’inventer un nouveau régime à la légitimité mal assurée.

Le contexte assurément est essentiel pour comprendre la complot de Malet. Napoléon est un chef de guerre et la nouvelle de sa mort n’avait rien de si invraisemblable une fois passée l’émotion. Après tout, Bonaparte n’avait-il pas réussi à se hisser au pouvoir sur un formidable coup de bluff le 18 Brumaire ? Bien sûr, on peut supposer que le complot de Malet se serait arrêté une fois la nouvelle démentie. Mais en 1812, il fallait quinze jours à cette nouvelle pour franchir les 400 lieues de Moscou à Paris.

Pascal Cauchy
( Mis en ligne le 03/04/2012 )
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