L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

1815 : la Terreur blanche
de Pierre Triomphe
Privat 2017 /  21 €- 137.55  ffr. / 472 pages
ISBN : 978-2-7089-6969-8
FORMAT : 15,0 cm × 22,0 cm

Patrick Cabanel (Préfacier)

Pierre Triomphe collabore à Parutions.com


Le Midi blanc

. Echappant au cycle des commémorations «napoléoniennes», l'ouvrage de Pierre Triomphe vient renouveler un pan important mais délaissé de l'historiographie de l'Empire et de la Restauration en étudiant de manière extrêmement poussée cet «entre-deux» de l'été 1815 et des violences commises dans le sud de la France durant les mois qui suivirent la bataille de Waterloo. Si le titre fait irrésistiblement penser au monumental 1815 d'Henry Houssaye (1905), somme d'érudition sur les Cent-Jours étudiés du point de vue politique et militaire, dont le second volume était précisément consacré à la seconde abdication de Napoléon et à ses conséquences (en particulier la Terreur blanche), il s'en éloigne cependant en proposant un point de vue essentiellement local, traité à partir de sources conservées en archives départementales ou municipales, même si, bien entendu, les fonds du Service historique de la Défense, de même que les Archives nationales, et notamment les cartons concernant la police, ne sont pas négligés.

Avec son travail, Pierre Triomphe se rapproche malgré tout de son lointain prédécesseur par sa volonté d'offrir un panorama complet sur un sujet qui méritait indubitablement d'être dépoussiéré depuis l'époque d'Ernest Daudet et de son ouvrage à charge sur la Terreur blanche publié chez Quantin en 1878. Depuis lors, il n'y avait guère eu de nouvelle publication à signaler, à l'exception peut-être des travaux de Bertier de Sauvigny qui avait inclus un bref passage sur la question dans son Histoire de la Restauration (1955), du travail de Marcel Pollitzer (Avignon, Aubanel, 1967), ou ceux plus grand public d'André Chamson, Les Taillons ou la Terreur blanche (Plon, 1974) et du duc de Castries (Perrin, 1981), sans oublier quelques études d'histoire locale sur Avignon, Tarbes ou Périgueux par exemple.

L'abondance de documents d'archives cités dans les notes montre que ce travail s'appuie sur des sources inédites, avec une nette volonté de faire date dans l'historiographie. L'auteur avait déjà esquissé sa réflexion dans plusieurs articles publiés dans des ouvrages collectifs ainsi que dans la Revue d'histoire du XIXe siècle, avant de proposer cette synthèse indubitablement efficace, d'autant plus qu'elle fait preuve d'une grande pédagogie grâce à un premier chapitre situant le contexte de l'action royaliste en France depuis les premiers temps de la Révolution jusqu'à la chute du Premier Empire, permettant d'évoquer les premières «terreurs blanches» de l'époque de la Convention thermidorienne ou du Directoire. Cette mise en perspective montre à quel point les événements de l'été 1815 peuvent être envisagés comme des échos ou des répétitions de ceux advenus deux décennies plus tôt. En ce sens, ils viennent réellement clore le cycle entamé en 1789, montrant que le terminus ad quem de la Révolution n'est pas forcément le jour de la bataille de Waterloo.

La première partie, consacrée au renouveau du royalisme dans le Midi de 1810 à 1815, offre une analyse centrée sur le «temps long» politique, qui s'achève sur une accélération du processus en 1814 avec le retour des Bourbons sur le trône. Cette description ne s'accompagne pas, ce qui est inhabituel et finalement éclairant, d'une évocation du réveil royaliste du point de vue du camp bonapartiste, les émeutes d'Avignon et d'Orgon en 1814 ayant vu Napoléon alors en route pour son premier exil à l’île d’Elbe être personnellement menacé par des Provençaux exaltés. Ce choix permet d'échapper aux poncifs de l'historiographie napoléonienne et de proposer une autre lecture des événements, éloignée par exemple des réflexions de Sudhir Hazaaresingh dans La Légende de Napoléon (Tallandier, 2005). Si au sein de cette première partie, la définition de l'aire géographique étudiée peut sembler de prime abord un peu floue, elle se dessine rapidement à la lecture des notes de bas de page, qui laissent apparaître la qualité de la documentation archivistique. Si l'auteur aurait pu évoquer l'impact des voyages des princes de la Restauration dans le Midi de la France en 1814 comme moyen de propagande, il propose malgré tout un beau tableau de la genèse de la guerre civile sous la Première Restauration, échappant à l’analyse traditionnelle qui explique les origines politiques de son échec uniquement à partir des décisions du pouvoir central, tout en en menant une véritable enquête sur l'évolution de l'opinion, dans la lignée des travaux de Pierre Karila-Cohen sur «l'état des esprits».

La période du retour de l'île d'Elbe est par la suite présentée comme une confrontation entre le droit divin de Louis XVIII et le charisme de Napoléon. Cette construction sous-tend la description des discours politiques déployés contre le régime de la Charte par l’empereur et ses partisans. En agitant le souvenir de l'Ancien Régime et de ses abus, Napoléon invoque ainsi un vieux spectre qu'il brandit comme une arme mortelle pour la monarchie restaurée. Ce faisant, il ravive le souvenir de 1793, mais joue aussi avec le feu, la Révolution n'ayant pas laissé que de bons souvenirs dans les provinces du sud de la France. Les réactions locales à sa tentative de retour au pouvoir révèlent les disparités des opinions dans un pays qui n'a toujours pas digéré la Révolution, fait la paix avec son passé ou accepté la défaite de 1814. Même si les sources étudiées (qui sont les seules disponibles, il faut le dire), font ressortir des courants d'opinion volatils qui expriment davantage le ressenti des communautés que celui des individus, l'auteur mène malgré tout une enquête passionnante sur les résistances locales au retour de Napoléon, en croisant, ce qui est toujours fructueux, la série M des archives départementales et la série F7 des Archives nationales. Par cette étude au niveau local, il dévoile aussi des éléments relevant davantage de la «grande histoire», sur l'action du duc d'Angoulême et sur ses réseaux, avant, pendant et après son exil temporaire en Espagne, mais aussi des informations concrètes et tout à fait neuves sur l'implication politique des couches populaires ou encore sur la conscience politique des femmes. La «montée aux extrêmes» vécue par le Midi en 1815 est donc analysée à partir de sources locales, tout en faisant le lien avec l'histoire générale des Cent-Jours, dont l'analyse au niveau des villes et des villages a été pendant très longtemps négligée. On appréciera en particulier (p.106), le très beau développement sur le rapport des contemporains au temps et l'impression partagée par certains d'entre eux de ne plus comprendre leur époque.

La deuxième partie évoque la période qui court de juin à décembre 1815, avec un développement articulé en conformité avec les différents échelons de la pyramide administrative : mairie, sous-préfecture, préfecture, ministère. Cette structure était elle-même en décomposition à l'été 1815, et confrontée à la concurrence de contre-pouvoirs souvent violents. L'attitude des autorités locales dans cette période de vacance de l'autorité est particulièrement bien décrite. Au moment de la transition chaotique entre l'Empire et la Restauration, la question du drapeau blanc semble ainsi être devenue prégnante dans certaines communes, préfigurant les grands débats qui eurent lieu au moment du retour de Louis XVIII, et à nouveau au début de la IIIe République. On notera, entre autres, l'extraordinaire attitude du préfet de Perpignan qui décida de couper la poire en deux (p.116), en faisant arborer le drapeau blanc sur la mairie et le drapeau tricolore sur la préfecture. Le passage consacré aux massacres de Marseille de la fin juin 1815 donne l'occasion de faire un premier lien avec la Terreur révolutionnaire. La date précoce des premières violences implique en effet de s'interroger sur la rapidité de la diffusion de la nouvelle de Waterloo, qui n'était pas sue au moment du soulèvement et des premiers troubles. L'éclatement des émeutes avant même l’abdication de Napoléon pose une question essentielle, qui est celle de la viabilité de l'Empire en 1815. On peut ainsi faire le lien avec les travaux de Jean-Paul Bertaud sur la seconde abdication et les conspirations royalistes de juin 1815 à Paris.

Un beau passage sur le chaos institutionnel et la transition ratée entre les deux régimes en juillet 1815 précède la première allusion à la coloration religieuse du conflit, avec un rejet massif de Louis XVIII par les protestants provençaux qui par contraste se rallient tardivement à Napoléon. On reste étonné de voir le peu d'implication des troupes d'occupation dans la gestion des nombreuses émeutes locales, à l'exception d'une émeute dans le Gard. Les officiers autrichiens considéraient peut-être que ces conflits devaient être réglés entre Français, à moins qu'ils ne les aient cyniquement considérés comme un bon moyen de maintenir l'ordre : mieux valait après tout laisser de potentiels opposants s'affronter entre eux plutôt que de les voir se liguer contre un occupant étranger. Le renvoi des fonctionnaires ralliés aux Cent-Jours et le laxisme des royalistes nommés aux fonctions locales ne fit qu'aggraver le désordre, confirmant l'impression d'une paralysie de l'action publique. Les actes de pillage et les violences perpétrées par les troupes de ligne, la Garde nationale et la police vinrent ensuite empirer les choses, malgré la nouvelle du retour définitif du roi à Paris. De vieilles rancœurs trouvaient le moyen de s'exprimer, à la fois contre d'anciens révolutionnaires ou des émigrés impopulaires, ce qui montre à quel point la Terreur blanche apparaît comme l'acte final d'un processus de long terme, ou comme un vaste règlement de comptes soldat un quart de siècle de troupes civils.

Pierre Triomphe montre bien que pendant l'été et l'automne 1815, le Midi semble tout entier sombrer dans une véritable guerre civile, d'où émergent malgré tout quelques centres décisionnels, à commencer par le gouvernement méridional du duc d'Angoulême installé à Toulouse le 22 juillet, et où apparaissent, derrière la volonté de réinstaurer l'ordre en épurant les cadres de l'administration locale, une tentation plus sourde de contraindre le gouvernement royal de Paris d'adopter une ligne davantage «ultra». On retrouve à l'œuvre, à cette occasion, des personnalités célèbres mais aux agissements mal connus, comme le baron Roger de Damas ou Ferdinand de Bertier, déjà évoqués dans la première partie sur le renouveau royaliste à partir de 1810. En quelques pages, les conflits entre les fonctionnaires nommés par le duc d'Angoulême et ceux envoyés par Louis XVIII permettent de camper le portrait d'une administration en pleine déroute, bien loin des lauriers tressés sous la Restauration au fils aîné du comte d'Artois et héritier présomptif du trône.

Ce bilan mitigé trouve son explication dans les exactions de figures pittoresques mais turbulentes comme le «capitaine» Trestaillon dans la région de Nîmes, qui se rendit coupable de plusieurs meurtres et actes de brigandage sous couvert d’actions royalistes, mais aussi dans les activités des sociétés secrètes et des clubs politiques d’obédience royaliste, ou dans celles des confréries religieuses. Les dissensions entre ces différents groupes d'individus, même au sein des partisans du roi qui semblent majoritaires, montrent que la figure de Louis XVIII servait finalement d'étendard de ralliement face à l'empereur vaincu, mais que ses partisans n'envisageaient pas tous le royalisme de la même façon : les débats à la Chambre entre les futurs «ultras» et libéraux s'esquissaient déjà. Du côté populaire, les partisans du roi furent les plus bruyants, manifestant leur satisfaction dans de nombreuses fêtes associant réjouissances bon enfant et rituels de violence. Leur sociologie, de même que leurs principaux témoignages sont bien entendus étudiés par Pierre Triomphe à l'aide des archives de la Police et de la Justice. Les effigies de Napoléon brûlées en public permettent d'exorciser les pulsions de haine face à l'ennemi bonapartiste, tandis que le meurtre du maréchal Brune, lynché par une foule en colère à Avignon en juillet 1815, montre que le besoin de trouver un bouc émissaire pouvait donner lieu aux scènes les plus sanglantes. On remarquera, au sujet du maréchal Brune, que ce n'est peut-être pas pour rien que René Girard, dont l'oeuvre anthropologique et philosophique s'est notamment construite autour de la notion de «bouc émissaire», était natif de la Cité des Papes où l'événement semble avoir marqué la conscience collective. Des nobles et nouveaux riches jusqu’aux artisans et paysans, sans oublier les femmes, les soldats ou les prêtres, nourrissant tous leurs propres rancoeurs et leur propre vision du royalisme – souvent très simpliste, les acteurs de cette «mouvance» en faveur de Louis XVIII forment effectivement un groupe protéiforme, oscillant sans cesse entre la tentation d'une radicalisation et un essoufflement.

Si cette dernière option finit par l'emporter, ce n'est pas tant en raison de la lassitude des contemporains que de la reprise en main du pouvoir royal, qui parvint, depuis Paris, à reprendre peu à peu le contrôle du Midi et à y imposer l'ordre. Comme le montre Pierre Triomphe, l'action gouvernementale commença pourtant paradoxalement par relancer la violence au cours du mois de juillet, alors même que les troubles semblaient sur le point de s'apaiser. Curieusement, le Midi apparaît donc bien plus proche de la rupture en juillet-août qu'il ne l'était en mars 1815 au moment du retour de Napoléon. Du coup, le gouvernement royal, déjà contraint d'infléchir sa ligne politique vers la droite avec le renvoi de Fouché et de Talleyrand au début de l'automne, se retrouva obligé de faire preuve de laxisme à l'égard des violences du Midi, de crainte de s’aliéner le soutien des royalistes les plus virulents. Le retour à l'ordre avec le renforcement des préfets et de la police finit cependant par entraîner la fin des violences, sous la forme d'un compromis. La répression se limita le plus généralement à des mesures ponctuelles (déplacement de la sous-préfecture des bouches du Rhône de Tarascon à Arles) ou symboliques (exil des régicides «relaps»). Dans quelques circonstances seulement, la justice royale prit malgré tout une forme implacable avec des exécutions punitives comme celle des frères Faucher, menées par les fameuses cours prévôtales instaurées par Louis XVIII après son retour sur le trône. L'hiver 1815-1816 marque enfin la fin des troubles.

Ces violences du Midi, ont donc, durant quelques mois, associé élites et classes populaires royalistes dans un contexte de faiblesse du gouvernement et de son armée, tout en amenant en certains point un dépassement des élites par ces mêmes classes populaires. Cette situation semble très différente de celle de la Vendée, ou l'ordre est revenu bien plus rapidement, probablement à cause de l'armée de la Loire, qui bien que battue à Waterloo disposait toute de même d'effectifs suffisamment intimidants pour maintenir l'ordre. On songe, à ce sujet, aux travaux d'Aurélien Lignereux (Chouans et Vendéens contre l'Empire, 1815. L'autre guerre des Cent-Jours, Paris, Vendémiaire, 2015). Le bilan humain de cette «Terreur blanche» est faible ; quelques centaines de morts tout au plus selon Pierre Triomphe, alors que la mémoire collective en a fait une véritable Terreur, digne de celle de 1793.

La troisième partie évoque justement la mémoire des événements de 1815 de la Restauration au début de la IIIe République, jusqu'en 1880. Les clivages se perpétuent et rejoignent peu à peu la division plus classique entre droite et gauche, qui s'exacerbe au cours des règnes de Louis XVIII et de Charles X, portés notamment par les débats parlementaires. On remarque d'un côté la nostalgie de certains participants, mais aussi une véritable amnésie des autorités locales. S'il y a bien une tentative de récupération par le pouvoir royal, qui interprète la Terreur blanche comme un événement purement monarchiste, celle-ci ne dure qu'un temps, le royalisme exalté du Midi faisant un contraste fâcheux avec la froideur de certaines autres régions devant le retour du roi. Cette mémoire de la Terreur blanche se construit aussi face à celle des Cent-Jours, également considérés comme une réitération de la Terreur, et dans le contexte paradoxal de la Restauration, qui se présente à la fois comme une période d'oubli et de pardon, mais aussi parfois d'expiation. Cet oubli implique en outre de passer l’éponge sur les actions des chauds partisans du roi en 1815, ce qui explique certaines déceptions que ne compensèrent pas tout à fait les récompenses symboliques comme la médaille de l'ordre du lys.

Cette impossibilité à commémorer un passé qui ne passe pas est d'autant plus curieuse que les partisans du roi furent toujours fort prompts à s'exalter face au souvenir de 1815, donnant l'impression d'un régime débordé par ses propres soutiens, paradoxe évoqué par Pierre Triomphe à la suite des travaux de Corinne Legoy sur les éloges du pouvoir sous la Restauration, mais également à ceux d'Emmanuel Fureix sur la «France des larmes». Si Paris semblait toujours jeter un voile pudique sur ces événements, les rancœurs locales continuèrent à s'exprimer, par des propos que rapportent les rapports de police, par des journaux ou des brochures qui rencontraient un vif intérêt, finissant par attirer l'attention des députés qui en parlèrent à de nombreuses reprises à la tribune du Palais-Bourbon. La construction de la mémoire se structura ainsi autour de plusieurs axes : présentation de la «Terreur blanche» comme une nouvelle étape du processus révolutionnaire pour les uns, renouveau des guerres de religion pour les autres. Cette mémoire semble cependant de plus en plus diffuse, se limitant à de simples piqûres de rappel dès les années 1820, avec malgré tout des poussées mémorielles en 1830, 1848 et 1870.

Les royalistes catholiques et protestants patriotes appelèrent par exemple à l'apaisement en 1830 à Nîmes, mais des troubles eurent également lieu à la même époque, par exemple à Bordeaux, bastion monarchiste. Cependant la duchesse de Berry échoua à soulever le Midi et la Gironde en 1832 : les «héros» royalistes de 1815 étaient désormais fatigués, et rechignaient à se compromettre pour une légitimité en pleine déconfiture. Le chapitre consacré à la période 1833-1851 montre ce passage de l'hypermnésie à l'amnésie, en analysant la place accordée aux troubles du Midi en 1814-1815 dans les différentes Histoires de la Restauration (Capefigue, Lamartine, Viel-Castel...), où les évocations de la Terreur blanche ne font que rarement plus de quelques pages, l'accent étant plutôt mis, chez les historiens légitimistes, sur le duc et la duchesse d'Angoulême. On constate une autre résurgence en 1848, notamment du côté « rouge ». Cependant, la mémoire de 1815 ne fait pas que changer de couleur ; elle change aussi de nature à la même époque avec la disparition des témoins directs, remplacés par des témoignages écrits et surtout reconstruits, comme par exemple celui de Louis de Laincel en 1861.

On constate finalement un oubli sous la IIIe République, la mémoire résiduelle de la Terreur blanche s'exprimant au travers de piques adressées aux monarchistes dans la presse locale ou à la tribune de la Chambre. Leur effacement accompagne le déclin du légitimisme. La mémoire se réfugie finalement dans des mots ou des expressions comme «Terreur blanche», «Trestaillon» et «Midi», ce qui permet à l'auteur d'amener des précisions instructives sur la façon dont les historiens se sont emparés de ces termes : Michelet évoque ainsi le terme de Terreur blanche dans son Histoire de la Révolution française pour qualifier la réaction thermidorienne de 1795, Edgar Quinet l'utilise pour évoquer la guerre du Péloponnèse. La figure de Trestaillon et de ses homologues a quant à elle fasciné les auteurs romantiques comme Dumas, qui ont fini par en faire des personnages de théâtre ou de roman. Enfin, le terme «Midi» s'est quant à lui répandu au XIXe siècle, quand il a fallu définir une aire géographique cohérente pour tous ces troubles. Ce concept géographique aujourd'hui courant semble bel et bien être né d'une tentative de qualification d'un phénomène historique local, diffus et par excellence complexe à définir. Le caractère du Méridional, perçu comme facilement violent dans les années qui suivirent 1815, semble avoir peu à peu évolué sous la plume des écrivains, devenant finalement davantage exubérant et jovial que jaloux et querelleur : on passe de Trestaillon à Tartarin, le ralliement de ces régions à la République ayant sans doute beaucoup contribué à les rendre davantage sympathiques.

Ce n'est pas le moindre des mérites de cette étude que de revenir sur le mythe de la Terreur blanche en le déconstruisant puis en identifiant ses échos jusque dans les recoins les plus inattendus de notre mémoire collective.

Charles-Éloi Vial
( Mis en ligne le 18/05/2018 )
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