L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Le Féroce XXe siècle - Réflexions sur les ravages des idéologies
de Robert Conquest
Editions des syrtes 2001 /  27,50 €- 180.13  ffr. / 319 pages
ISBN : 2845450338

De la déraison du siècle

Seul un anglo-saxon, attaché au souvenir de la glorieuse révolution de 1688 et de la révolte américaine de 1776, pouvait écrire cet essai. Un Français, à la fois cartésien et rousseauiste, n’y acquiesce qu’avec réticence. Et, pourtant, le bon sens parle : l’échec de l’économie marxiste, la terreur en Russie - ou au Cambodge -, comme dans l’Allemagne d’après 1933, manifestent qu’une théorie, ne rendant jamais compte de la totalité du réel, doit passer par la force pour s’imposer en système.

On n’insistera pas sur les analogies du nazisme et du bolchévisme, tous deux tragiquement signifiants : cette analyse argumentée (pensons, entre autres témoignages, à la myopie d’Engels sur la judéité d’Europe centrale) n’est pas propre à l’auteur. Il convient plutôt de prêter attention aux conseils de pragmatisme. Si le nationalisme émotionnel est condamnable, il serait imprudent de nier les nationalités : la Yougoslavie, l’Afrique invitent à les entretenir dans un esprit consensuel et même, on y reviendra, l’Union européenne ne saurait être une solution en soi ; pas plus, au demeurant, que le libéralisme ne serait applicable, sans grandes précautions, à l’ancienne URSS, la démocratie aux États africains ou encore l’écologie à l’Amérique du Sud. Pour avoir méconnu les tempéraments, les cultures, les arrangements de la convivialité, voire une certaine paresse, antidote de l’impatience, le XXe siècle aura été féroce, en voulant faire le bonheur des peuples. Mais déjà la roue tourne : l’individu, broyé par les massifications partisanes et leurs séquelles terroristes, rejette les idéologies antagonistes et c’est donc, par le biais de l’informatique, un autre mode d’uniformisation qui s’annonce, à l’échelle du monde.

Ces réflexions ne concernent que le premier tiers de l’ouvrage ; le reste, sans doute repris de chroniques de journaux, n’a pas autant de brillant : après un panorama appuyé du « bourbier soviétique » et de l’intoxication par Moscou des milieux anglophones, l’ancien conseiller de Margaret Thatcher recherche les ressorts de l’inévitable Guerre froide, avant et après la course aux armements. Il conclut en mettant en garde contre le dressage de l’opinion, les excès bureaucratiques et législatifs, la désintégration des repères artistiques. Malheureusement, l’outil pédagogique est tordu et pour dépasser les complexes « impérialistes » de l’Amérique et ceux, de surcompensation, de l’Europe, une perspective serait de se tourner vers la churchilienne association océane. Cette proposition, hyperanglocentriste, creuse encore un peu plus la profondeur du Channel.

Agnès Callu
( Mis en ligne le 31/05/2002 )
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