L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Religion et Société en Europe - La sécularisation aux XIXe et XXe siècles (1780-2000)
de René Rémond
Seuil - Points histoire 2001 /  7,32 €- 47.95  ffr. / 303 pages
ISBN : 2020227479

Deux siècles sans Dieu ?

Dans ses fameux Souvenirs d’enfance et de jeunesse, Ernest Renan écrit : « La religion est irrévocablement devenue une affaire de goût personnel. » Cette réflexion pourrait résumer le processus qui, amorcé à la fin du XVIIIe siècle, violemment accéléré par l’épisode révolutionnaire, est l’une des matrices de l’histoire européenne des deux derniers siècles.

René Rémond, académicien et président de la Fondation nationale des sciences politiques, grand spécialiste d’histoire religieuse, analyse ce trend historique dans cette étude rééditée par les éditions du Seuil. L’entreprise est ambitieuse étant donnée l’étendue spatiale et chronologique de la question. Mais, comme l’écrit l’auteur, « à travers les particularités de tous ordres, dogmatiques aussi bien qu’institutionnelles ou disciplinaires, qui différencient les religions, est à l’œuvre un phénomène social unique qui pose à toutes les sociétés européennes des problèmes communs ». (p. 7.) C’est donc d’un point de vue globalisant, proprement européen, que l’historien évoque la question de la sécularisation. Cette globalité est également contenue dans l’objet d’étude, qui n’est pas le rapport individuel à la foi mais la religiosité des collectivités. Il s’agit donc d’une histoire sociale.

Ces postulats entendus, René Rémond distingue deux grands âges de la sécularisation, correspondant à chacun des deux siècles. Au XIXe siècle, caractérisé par des rapports conflictuels entre Eglises et Etats, alors que les populations restent massivement empreintes de religiosité, succède un XXe siècle de l’apaisement des tensions politiques et de la massive sécularisation des populations.

Cette sécularisation ne commence pas avec la réunion des Etats généraux en mai 1789. L’auteur consacre ainsi un premier chapitre au temps long d’une histoire qui, dès le Moyen Age, offre les prodromes d’une sécularisation qui caractérise déjà le XVIIIe siècle avant de devenir officielle et massive au tournant du siècle suivant. Le cœur de son étude consiste ensuite en l’éclaircissement des problèmes afférents à cette trame générale : les affrontements et les adaptations des différentes confessions à cette modernité politique et sociale, leurs enjeux idéologiques, les transferts de sacralité qui s’opèrent alors, dont l’émergence des nations modernes est le support premier, etc.

La tendance générale reste sur les deux siècles celle d’un cheminement européen vers plus de sécularisation, d’un pluralisme religieux de plus en plus ouvert à la séparation telle qu’elle est entre radicalement en vigueur en 1905 en France, en passant par la laïcisation, plus ou moins rapide des sociétés.

Le XXe siècle est celui d’une sécularisation plus poussée encore alors que naissent de nouvelles religions, celles des Etats totalitaires : la Grande lueur à l’est ne vient plus de Jérusalem mais de Moscou. L’apparition du Tiers Monde et l’irruption d’un Islam identitaire et virulent dans les années 1970 pose à une Europe ouverte sur la planète des questions nouvelles et graves, dont l’actualité la plus brûlante est aujourd’hui encore l’illustration.

René Rémond propose ici une synthèse éclairante qui a le grand mérite d’être une histoire européenne. A la suite de son ouvrage sur l’anticléricalisme français, Religion et Société en Europe est un ouvrage qui doit servir de base à l’étude précise de problèmes plus spécifiques à chaque pays et chaque confession.


Thomas Roman
( Mis en ligne le 04/06/2002 )
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