L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Napoléon III
de Pierre Milza
Perrin - Tempus 2007 /  12 €- 78.6  ffr. / 696 pages
ISBN : 2-262-02607-6
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication en mars 2004 (Perrin).

L'auteur du compte rendu: Natalie Petiteau, professeur d'histoire contemporaine est historienne de la société du XIXe siècle et de la portée des années napoléoniennes. Elle a notamment publié Napoléon, de la mythologie à l'histoire (Seuil, 1999) et Lendemains d'Empire: les soldats de Napoléon dans la France du XIXe siècle (Boutique de l'histoire, 2003).
Elle est par ailleurs responsable éditorial du site http://www.calenda.org.


Napoléon III ou la réussite d'un Beauharnais

C’est à un itinéraire certes connu que s’intéresse ici Pierre Milza. Toutefois, en France, Napoléon III n’avait plus fait l’objet de biographie depuis celle de Louis Girard, en 1986, puis celle, plus polémique, de Philippe Séguin, en 1990, tandis que la dernière somme en langue anglaise, celle de James F. Mac Millan, date de 1992. Or, depuis, les archives de la famille Bonaparte se sont plus largement ouvertes, et l’on peut supposer que c’est l’une des motivations du travail de Pierre Milza. Toutefois, le livre, dépourvu d’introduction, n’en dit mot, et les notes renvoient pour l’essentiel à des sources imprimées, ne mentionnant qu’exceptionnellement des sources archivistiques. Mais l’intérêt d’une telle entreprise réside finalement en ce qu’elle apporte un nouveau regard, car c'est par la multiplication des approches d’un même personnage que l’historien peut parvenir à triompher partiellement de “l’illusion biographique”. C’est du reste bien l’ambition du recul et de la synthèse qui préside à l’écriture de ces pages. Ainsi, à propos d’une légitimité dynastique souvent mise en doute, Pierre Milza souligne que l’essentiel est que Louis-Napoléon lui-même ait cru à la légitimité de sa filiation.

Voilà une biographie écrite dans les règles du genre, évoquant tour à tour des traits célèbres de l'empereur : un Louis-Napoléon enfant peu désiré, mais d’une grande douceur et dont les repères ont été ébranlés par les querelles familiales et les vicissitudes de l’Empire ; un adolescent choyé par l’entourage très majoritairement féminin d’Arenenberg ; un prince romantique en exil, séducteur et sensible, rêvant d’action et de gloire, libéral et proche de cœur et de pensée des carbonari ; un conspirateur condamné à quitter l’Europe après la folle équipée de Strasbourg, puis à être enfermé au fort de Ham après l’échec de la non moins extravagante tentative de Boulogne ; un prisonnier se faisant journaliste et historien pour mieux fustiger les Orléans et le régime de Juillet : l’auteur de l’Extinction du paupérisme est alors proche du socialisme utopique et des saint-simoniens sans négliger le paternalisme et l’autoritarisme. Mais il fait plus que jamais figure d’aventurier quand il se grime en ouvrier plâtrier pour s’évader. Après quoi il est un napoléonide en exil sans cesse en quête de ressources financières mais aussi de conquêtes féminines. Ce bonapartiste désireux de devenir maître de la nouvelle République y parvient finalement en l’espace de quelques mois, et devient Prince-Président adepte du coup d’Etat en se disant sauveur du suffrage universel. “Crétin” à mener selon Thiers, il est finalement un empereur autoritaire se référant au soutien d’un corps électoral tenu en main par la surveillance préfectorale et les candidats officiels. Mais il est aussi un souverain s’essayant à faire figure de défenseur de la cause des nationalités, à défaut de parvenir à faire des conquêtes semblables à celles de son oncle, et se trouvant de ce fait peu à peu décidé à libéraliser son régime, tout en poussant à la modernisation de la France et à l’amélioration de la condition ouvrière, respectant en cela les logiques saint-simoniennes qui sont les siennes, mais aussi celles d’une partie de son entourage.

En historien du fascisme, Pierre Milza apporte à ce portrait des vues nouvelles; il propose en effet une comparaison prudente, en évitant les anachronismes, entre le régime mussolinien et l’entreprise de Napoléon III. Là était finalement le but de ce livre. Pierre Milza trouve des convergences fortes sur certains points : les rapports avec l’Eglise comme la propagande ont pour but de poser Napoléon III en homme providentiel. L’intérêt de l’ouvrage réside aussi dans la façon dont l'auteur met en évidence le fait que Louis-Napoléon était finalement davantage un Beauharnais qu’un Bonaparte, famille au sein de laquelle seul Napoléon, si peu côtoyé en fait, a joué le rôle de modèle masculin.

Au total, cette nouvelle biographie est à lire absolument pour découvrir la vie de Napoléon III, car elle est fort claire et fort bien documentée. Mais il ne faut pas s’attendre à y trouver beaucoup de pages novatrices d'un point de vue historiographique et archivistique.

Natalie Petiteau
( Mis en ligne le 31/01/2007 )
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