L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Sur les pas de Jaurès - La France de 1900
de Rémy Cazals et Collectif
Privat - Regards sur l'histoire 2004 /  26 €- 170.3  ffr. / 265 pages
ISBN : 2-7089-0526-0
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu : Raphaël Muller, ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, est allocataire-moniteur en histoire contemporaine à l'université de Paris I.

Jean Jaurès, commis-voyageur du socialisme

A la lecture de la table des matières de ce volume rassemblant les actes d’un colloque organisé à Castres les 20 et 21 octobre 2000, on pouvait craindre d’être très vite frappé de lassitude : Jaurès à Lyon, Jaurès en Seine inférieure, Jaurès au pied de la montagne jurassienne, Jaurès à Nantes, Jaurès dans le Nord, Jaurès en Saône et Loire et dans la Loire, Jaurès dans le Nord… voici, quelques-uns des sujets abordés au colloque par les orateurs.

Le projet retracé ici en introduction par les coordinateurs de l’ouvrage, Alain Boscus et Rémy Cazals, était ambitieux : Rassembler toute une série d’études monographiques permettant de mieux connaître les déplacements du grand leader socialiste en province, à l’exclusion de ceux à caractère privé : où allait-t-il ? Pourquoi se déplaçait-il ? Quel était la durée et le programme de ces séjours ? Mais aussi, plus subtilement, que voyait-il de la France lors de ses voyages, qu’avait-il le temps de voir lors de déplacements souvent brefs et chargés ? En outre il avait été demandé aux communicants de présenter quelques éléments sur les zones étudiées afin de fixer le cadre des voyages et d’aider à la connaissance de cette France provinciale de la Belle Epoque inlassablement parcourue par le tribun d’Albi. Il leur était de plus demandé, dans la mesure du possible, d’appuyer ou d’illustrer leur propos sur des cartes postales du début du XXe siècle.

Au terme de la lecture, c’est l’enthousiasme qui domine : aucune répétition, bien au contraire. Il faut dire que le propos varie fort d’un chapitre à l’autre. Deux grands types de communications se dessinent. Certaines sont explicitement consacrées aux déplacements du leader socialiste : l’accent est tantôt mis sur le récit des visites de Jaurès dans telle ou telle région, tantôt sur leur organisation préalable ou sur leur fonction, tantôt enfin sur les caractéristiques des régions visitées. Chacune de ces études apporte une touche nouvelle et colorée au portrait du grand orateur acclamé par cette France militante de la Belle Epoque, qui se dessine au fil des pages, une France active, chaude, vibrante.

D’autres tracent le portrait de divers pans de la société française de 1900. La figure de Jaurès s’éloigne alors. Elle n’est plus qu’un prétexte pour esquisser diverses monographies régionales («Le Languedoc viticole à l’époque de Jaurès, à travers les cartes postales» par Rémy et Monique Pech) ou tend même à disparaître («Femmes au travail dans les industries textiles du Nord de la France» par Jean-Claude Rabier). Quelques chapitres de portée plus générale franchissent les limites communales ou départementales et viennent élargir le propos. Ainsi Jean-François Chanet examine la place de l’école dans les communes françaises du début du XXe siècle tandis que Rémy Cazals étudie la grève et sa représentation photographique. En fait, comme l’annonçait le sous-titre «La France de 1900», et ces derniers exemples le montrent bien, Sur les pas de Jaurès n’est pas seulement une radiographie des déplacements du fondateur de l’Humanité, c’est également un portait, richement illustré, de la France de la Belle Epoque, de la France des engagements politiques et humanitaires, de la France des comités, des congrès, des conflits, mais aussi plus largement de la France républicaine.

Si la logique du plan choisi par les coordinateurs de l’ouvrage n’est pas toujours aisée à saisir, soulignons cependant que la dualité apparente du propos n’affecte pas pour autant la cohérence de l’ensemble. Le lien entre les deux séries de communications est limpide. Même lorsque la figure de Jaurès est discrète ou absente, les auteurs s’efforcent de dresser le cadre de ses déplacements, de montrer grâce à l’apport de la carte postale – souvent placée au cœur du propos - ce qu’il a vu ou ce qu’il a pu voir.

Avouons tout de même au sein de ce riche ensemble une préférence pour les chapitres consacrés explicitement à un déplacement particulier ou à une série de déplacements de Jaurès : c’est principalement dans ces pages que sont insérés les larges extraits de journaux et de discours où se déploie toute l’éloquence jaurésienne, extraits qui constituent le sel de ce volume.

Raphaël Muller
( Mis en ligne le 30/09/2004 )
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