L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Aristide Briand
de Bernard Oudin
Perrin 2004 /  24.50 €- 160.48  ffr. / 612 pages
ISBN : 2262021929
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu : Éric Alary, agrégé d’histoire, docteur ès Lettres de l’IEP de Paris (sa thèse sur la ligne de démarcation a été publiée en 2003 chez Perrin), est professeur en Lettres Supérieures et en Première Supérieure au lycée Camille Guérin de Poitiers.

Un «apôtre» au service de la paix et de l’Europe unie

Aristide Briand fait partie des personnalités incontournables de l’histoire politique du XXe siècle. Des sources ont bien été publiées comme les Souvenirs parlés de Briand, recueillis par Raymond Escholier, son ancien chef de cabinet, en 1932. Mais il n’existait pas de biographie complète sur un personnage essentiel de notre histoire politique. Bernard Oudin tente de combler cette lacune.

Aristide Briand est surtout connu pour son œuvre dans les relations internationales, lui qui un jour a déclaré la guerre «hors-la-loi». Il l’est moins pour sa politique intérieure, sans doute parce que ses passages au pouvoir comme Président du Conseil ont été assez courts et parce qu’il a connu la Grande Guerre ; il a dû avant tout parer au plus urgent, à savoir la conduite des hostilités. Sa carrière est immense et difficile à classer dans une typologie des grands parcours politiques.

Composé de dix-huit chapitres, l’ouvrage se veut accessible au public le plus large. Le sérieux des informations et une enquête minutieuse offrent de lire une biographie passionnante. Une petite réserve cependant pour les chercheurs en histoire : l’étude est parfois un peu trop descriptive ; une critique historique et plus analytique pourrait sans doute permettre de prendre davantage de recul et de se faire une idée plus large dans le contexte de l’histoire des idées politiques, même si l’auteur n’omet pas de nous replonger dans l’époque.

Né à Nantes en 1862, dans une famille assez modeste, Briand a occupé une vingtaine de postes ministériels entre 1909 et 1929. Jusqu’à sa mort en 1932, socialiste ardent de 1890 à 1906, il n’a eu de cesse de lutter pour la paix. Onze fois Président du Conseil, c’est l’homme politique qui a présidé le plus grand nombre de cabinets français. Son poste de prédilection fut celui de ministre des Affaires étrangères. Il fut aussi ministre de l’Intérieur, de la Justice, des Cultes, etc.

Après une rupture avec la SFIO en 1906, pour des raisons internes et des tensions avec Jean Jaurès au sujet des concessions faites aux guesdistes, après avoir été le rapporteur de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, Aristide Briand travaille avant la Grande Guerre en marge du parti des socialistes. Il a contribué à faire voter plusieurs lois sociales en 1909 – 1910, notamment pour les femmes en couche, dont il souhaite protéger l’emploi.
Pendant la Première Guerre mondiale, il est fait appel aux qualités de diplomate de Briand : il est Président du Conseil et ministre des Affaires étrangères du 29 octobre 1915 au 20 mars 1917. Il se mêle de la conduite de la guerre avec une opiniâtreté exceptionnelle. Peu à peu se dessine la lutte entre deux grands hommes : Clemenceau et Briand. Dès 1917, Briand est tenu à l’écart des décisions politiques par Clemenceau. Il n’est pas présent lors des Conférences de la Paix de 1919. Il est favorable au traité de Versailles. Il s’engage alors dans une campagne contre l’élection de Clemenceau à la Présidence de la République en 1920, ce pour se venger d’une mise à l’écart très stricte. Paul Deschanel gagne les élections, puis il démissionne assez vite. Aristide Briand contribue alors à faire élire Alexandre Millerand. Le septième cabinet Briand est formé le 16 janvier 1921. Il garde à nouveau les Affaires étrangères.

Briand fait glisser dans les années vingt la politique étrangère de la France d’une stricte application des clauses du traité de Versailles par l’Allemagne vers une négociation sur le montant et le calendrier des réparations. Il est le fervent défenseur de relations plus idoines et calmes avec les Anglais et les Allemands.
Poincaré va entraver la marche de Briand pendant plusieurs années entre 1922 et 1925. A cette date, il est appelé par Paul Painlevé pour occuper le Quai d’Orsay ; il y resta jusqu’en 1932. Seul l’épuisement l’a arrêté, semble-t-il, après son échec à l’élection présidentielle de 1931.

Pendant les années 1925-1932, Aristide Briand a considérablement imposé – et durablement - son empreinte à l’histoire des relations internationales puisqu’il a défendu sans compter la «sécurité collective». La France, qui a connu de plein fouet la crise économique, sociale et politique, doit assurer sa sécurité coûte que coûte. Briand s’emploie à appuyer le renforcement de la SDN avec le soutien des Anglo-Saxons. Il est l’artisan du traité de Locarno en 1925, de l’entrée de l’Allemagne à la SDN en 1926 avec un discours resté célèbre («arrière les fusils, les mitrailleuses, les canons !»), du pacte qu’il construit avec Kellog en 1928. Il a même proposé en 1929 devant l’Assemblée générale de la SDN la mise en place d’un lien fédéral entre les pays européens. Il est donc l’un des porteurs d’une idée d’union européenne large dans le but d’apaiser les tensions ancestrales entre les vieux ennemis, notamment allemand et français. En 1930, il propose un «marché commun» européen...

L’apport d’Aristide Briand à l’idée de paix et d’une Europe unie est immense et incontestable même si cela n’a pas suffi à constituer de solides verrous dans les années trente, qui voient la montée des fascismes et des totalitarismes. Il est alors moqué par ses adversaires, notamment de droite, pour ses idées considérées comme utopiques et naïves. Il appartient alors à l’ancienne génération politique bientôt supplantée par de nouveaux dirigeants. En 1932, il meurt épuisé.

Outre l’étude riche de la carrière politique - très dense -, singulière et unique d’Aristide Briand, Bernard Oudin complète sa biographie de descriptions précises sur des aspects plus privés de cette vie. L’appareil critique est léger, mais la bibliographie est classée avec soin et elle peut être fort utile. Un cahier photographique central complète le volume.

Eric Alary
( Mis en ligne le 09/11/2004 )
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