L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

L'Année 14
de Jean-Jacques Becker
Armand Colin - "U" 2004 /  26 €- 170.3  ffr. / 320 pages
ISBN : 2-200-26253-1
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu: Agrégé et docteur en histoire, Jean-Noël Grandhomme est l'auteur d'une thèse, "Le Général Berthelot et l'action de la France en Roumanie et en Russie méridionale, 1916-1918" (SHAT, 1999). Il est actuellement PRAG en histoire contemporaine à l'université "Marc Bloch" Strasbourg II.

L’année de la grande transition

Dans cet ouvrage qui paraît en l’année du quatre-vingt-dixième anniversaire du début du premier conflit mondial, Jean-Jacques Becker s’interroge sur les raisons de l’implosion de l’Europe, «continent roi» du XIXe siècle, qui sembla s’acharner à s’autodétruire au XXe. Historien bien connu, président du conseil de recherche de l’Historial de Péronne, l’auteur ne s’en tient pas seulement à l’histoire «culturelle» de la période, mais réhabilite très largement l’histoire diplomatique et l’histoire militaire, trop négligées ces derniers temps.

Cette quête des origines du conflit le conduit à revisiter et à se réapproprier en grande partie les analyses de Pierre Renouvin ou de Jean-Baptiste Duroselle : oui, les crises marocaines, le désir de Revanche, l’Alsace-Lorraine, l’exaspération des nationalismes (notamment balkaniques) ont joué un grand rôle dans le déclenchement du conflit, que les pacifistes – qui semblaient pourtant bien organisés en 1914 – n’ont pas su empêcher. On saluera particulièrement l’étude fort pertinente sur le complexe d’encerclement de l’Allemagne, pour laquelle l’invasion de la France en 1914 fut bel et bien perçue comme une opération défensive, ce qui explique au passage la ténacité des Feldgrauen dans la tranchées, aussi admirable que celle des poilus.

De «poilus», il n’est pas encore question en août 1914 lorsque les «pioupious» français se font massacrer par dizaines de milliers, non pas tant à cause de leurs pantalons rouge que de l’attachement de leurs chefs à un culte irrationnel de l’offensive (préconisé, entre autres par le colonel de Grandmaison) qui leur fait très largement sous-estimer la puissance du feu moderne.

Suivant pas à pas les dirigeants politiques, les chefs militaires, les intellectuels, mais peu les acteurs de base du drame – personnages presque uniques, il est vrai, de la plupart des autres études contemporaines sur la guerre de 1914-1918 - Jean-Jacques Becker montre comment l’enlisement du conflit, à l’automne de cette année 1914, fait basculer le monde dans une nouvelle ère (carte et documents annexes à l’appui). Il achève son propos par une réflexion sur le passage du «grand consentement» à la «culture de guerre», qui ne manquera pas d’alimenter les vifs débats qui opposent depuis plusieurs années les historiens sur la question.

Jean-Noël Grandhomme
( Mis en ligne le 14/12/2004 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)