L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Mythes et légendes de Napoléon - Un destin d'exception, entre rêve et réalité...
de Annie Jourdan
Privat - Entre légende et histoire 2004 /  23 €- 150.65  ffr. / 229 pages
ISBN : 2-7089-0809-X
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu: Natalie Petiteau, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Poitiers, est historienne de la société du XIXe siècle et de la portée des années napoléoniennes. Elle a notamment publié Napoléon, de la mythologie à l'histoire (Seuil, 1999) et Lendemains d'Empire: les soldats de Napoléon dans la France du XIXe siècle (Boutique de l'histoire, 2003).
Elle est par ailleurs responsable éditorial du site http://www.calenda.org.


La fin d'un mythe?

Le bicentenaire du couronnement et du sacre de Napoléon suscite décidément de la part des éditeurs la volonté de donner aux lecteurs des clefs de compréhension du grand homme et de bénéficier ainsi du regain d’intérêt qu’il suscite.

Ce sont ici les éclairages d’Annie Jourdan, qui s’est déjà distinguée par son Napoléon, héros, imperator, mécène (Aubier, 1998), qu’offrent les éditions Privat. L’historienne, de façon fort judicieuse, part du constat qu’aujourd’hui les athlètes et les stars détrônent les grandes figurent de l’histoire auprès du grand public. Cela incite tout particulièrement à comprendre les mythes et légendes de Napoléon, à l’heure où, suggère Annie Jourdan, ce mythe s’étiole peut-être en raison du fait que les valeurs incarnées par “le personnage ne paraissent plus guère de saison : volonté de pouvoir, énergie débordante, gloire militaire, soif de conquêtes, autorité impérieuse, génie remuant”.

Nous voici donc dans les paradoxes de ce bicentenaire : à Steven Englund qui soutient que Napoléon ne peut que susciter trouble et fascination, Annie Jourdan objecte que, depuis 1969, de telles réactions sont en voie de disparition. Ce qu'elle veut souligner ainsi, c’est qu’en tout état de cause, la figure de Bonaparte est revendiquée dans des contextes bien précis, lendemains incertains ou anxiété des temps de crise, notamment.

Une première partie porte sur “mythe et légende” pour montrer d’abord, fort classiquement, que Napoléon a créé lui-même son mythe par sa propagande - usage des journaux ou diffusion du catéchisme impérial par exemple -, ce qui n’a pas manqué de générer un contre-mythe. Mais la donne se trouve déjà modifiée par les Cent Jours, qui contribuent, on le sait bien, à éclairer la naissance du culte, au XIXe siècle, d’un Napoléon héros national et libéral, héritier et propagateur des principes de 1789. Pour retracer la teneur de la légende populaire, Annie Jourdan a particulièrement recours aux travaux de François Ploux sur la rumeur, qui ont ajouté quelques données à ceux de Bernard Ménager, et rappelle, comme d’autres auteurs l’ont fait avant elle, la teneur de la littérature populaire, mais aussi poétique, née de la fascination, mais aussi du rejet. Elle souligne à juste titre la césure de 1821 et ne néglige pas de mettre à profit la teneur de l’imagerie d’Epinal. Après quoi elle insiste, de façon classique là encore, sur le culte officiel organisé par la Monarchie de Juillet.

La deuxième partie, intitulée «mythe et politique», prend en compte la mémoire de Napoléon parmi les libéraux, les républicains et les bonapartistes, et le lien, donc, entre mémoire de l’Empire et vie politique au XIXe siècle. Elle envisage également la façon dont Napoléon a été utilisé par le nationalisme au XXe siècle, mais aussi celle dont il a été vu par les tenants de la démocratie. Ce qui conduit Annie Jourdan à étudier y compris l’historiographie, notamment sur le sujet du rapport de Napoléon à la Révolution. Mais le tout manque souvent de précision dans les renvois aux auteurs ; le genre “manuel” sied finalement mal à un tel sujet, sur lequel l’auteur peine ainsi à apporter du neuf. Annie Jourdan n’en montre pas moins clairement que Napoléon n’est qu’une passion française et non européenne, si bien que l’avenir de cette passion se trouverait compromis.

La troisième partie, sur “mythe et histoire”, expose dans un premier temps la façon dont l’histoire de Napoléon a été enseignée, jusqu’en 1940 tout d’abord, puis sous Vichy, enfin après la Seconde Guerre mondiale : l’auteur observe que le Napoléon des manuels scolaires d’aujourd’hui n’est pas sans être présenté comme celui qui a permis à la France d’assumer une mission précocement européenne.

De façon pertinente, la conclusion invite le lecteur à observer la façon dont l’histoire européenne à venir va conduire Napoléon à se contenter de l’Histoire ou va permettre à son mythe de renaître de ses cendres. Il y a là, au total, un excellent manuel. Reste que l’on se demande, à l’issue de la floraison des ouvrages de ce type, suscitée par l’actuel bicentenaire, s’il convient encore de s’interroger sur la mythologie de Napoléon. L’historiographie n’a-t-elle pas maintenant tout à gagner à faire de nouveau porter ses regards sur les réalités ?

Natalie Petiteau
( Mis en ligne le 14/01/2005 )
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