L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Giosuè Carducci et la construction de la nation italienne
de Laura Fournier-Finocchiaro
Presses Universitaires de Caen - Cahiers de Transalpina 2006 /  20 €- 131  ffr. / 215 pages
ISBN : 2-84133-274-8
FORMAT : 14,0cm x 22,0cm

L'auteur du compte rendu : Raphaël Muller, ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, est allocataire-moniteur en histoire contemporaine à l'université de Paris I.

Un poète civique bien oublié

En 2001, les éditions de la Rue d’Ulm faisait paraître une traduction du Livre Cœur d’Edmondo De Amicis, et Gilles Pécout, dans une longue postface, posait un regard d’historien sur ce texte qui avait été le livre de lecture de générations de jeunes élèves italiens. Il montrait que, bien que fort décrié de nos jours, l’ouvrage participait du processus de constitution d’un esprit national dans la péninsule tout juste unifiée.

C’est la même démarche qu’adopte Laura Fournier-Finocchiaro, maître de conférences à l’Université de Caen, dans Goisuè Carducci et la construction de la nation italienne, version remaniée d’une thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de Mariella Colin. Elle y propose une lecture politique de l’œuvre de Giosuè Carducci (1835-1907) et s’efforce de montrer qu’il fut un formidable penseur et propagandiste du Risorgimento, ce mouvement d’unité de la nation qu’il n’eut de cesse d’accompagner de ses vers.

Proche de la reine Marguerite, l’épouse du roi Humbert en qui il voyait un symbole d’unité nationale, prix Nobel de littérature en 1906 à la veille de sa mort, Carducci avait un goût immodéré de la rhétorique, ce qui explique probablement le désintérêt des critiques pour son œuvre après sa disparition. Mais on oublie qu’il fut un personnage public de tout premier ordre, professeur de littérature italienne et de langues et littératures romanes à l’Université de Bologne, sénateur du royaume, maître d’œuvre d’anthologies littéraires largement diffusées. Laura Fournier-Finocchiaro montre surtout qu’il se sentit très tôt investi d’une mission civique et qu’il n’eut de cesse de célébrer les paysages de l’Italie, la grandeur de son passé et qu’il s’efforça d’en encourager les transformations politiques. En restituant avec finesse la géographie intellectuelle de l’écrivain et ses successives prises de position poético-politiques, Laura Fournier-Finocchiaro souligne sa contribution au processus d’unification politique et intellectuelle de la péninsule. Elle s’efforce en particulier de saisir les inflexions de la réflexion politique du poète pour en montrer la complexité, ce qui l’amène, par exemple, à souligner que l’attachement du poète toscan à la monarchie de Savoir était loin d’être acquis avant les années 1860.

Cet ouvrage bénéficie d’une présentation extrêmement soignée qui en rend la lecture particulièrement plaisante : chaque extrait cité est présenté en langue originale et en traduction française, une chronologie et un index accompagnent le texte. Il faut souhaiter que le format adopté, à peine deux cent pages - ce qui est rare pour une thèse -, donne aux amoureux de l’Italie l’envie de découvrir une œuvre oubliée et méconnue, mais fort intéressante dès lors qu’elle est examinée dans une perspective d’histoire socio-politique.

Raphaël Muller
( Mis en ligne le 24/11/2006 )
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