Histoire & Sciences sociales
Temps Présent de Collectif
Nouveau monde 2010 / 23 €- 150.65 ffr. / 271 pages
ISBN : 978-2-84736-519-1
FORMAT : 14,2cm x 22,4cm
Préface de Jean-Pierre Rioux
L’auteur du compte rendu : Rémi Luglia, professeur agrégé d’Histoire et interrogateur en deuxième année dans une classe préparatoire commerciale, est doctorant à Sciences-Po Paris où il mène une recherche sur l’histoire de la protection de la nature en France de 1854 à nos jours à travers le mouvement associatif.
Un autre regard sur Dien Bien Phu
On croit connaître assez bien, en France, l’histoire de Dien Bien Phu, cette terrible bataille surnommée par certains le «Verdun des peuples colonisés». Cette défaite miliaire sonne en 1954 le glas de la présence française en Indochine et ne laisse d’autre choix au gouvernement que d’accepter les accords de Genève. Finalement peu importante aux yeux de l’opinion publique métropolitaine, elle marque par contre profondément l’armée.
Depuis cinquante ans, de nombreux écrits d’anciens combattants, de responsables politiques et militaires, de journalistes et d’historiens ont raconté ou analysé cette bataille. Des films ont été tournés. Mais à chaque fois, la parole est donnée au côté français. Seules les Mémoires du général Giap, traduites en français, rendent compte de la vision vietnamienne mais à leur sujet un autre problème se pose.
En effet, au Vietnam, Dien Bien Phu est un événement majeur, fondateur. Cette bataille a prouvé au monde qu’un peuple colonisé était capable de battre une armée européenne sur son terrain de prédilection : la bataille rangée. Elle a mis fin à la Guerre d’Indochine tout en ouvrant la voie à l’intervention américaine et à la Guerre du Vietnam. Rapidement donc, une histoire officielle, largement propagandiste, a vu le jour ; elle a peu évolué depuis.
L’originalité de cet ouvrage de journalistes est de sortir de cette double déformation : donner à lire en français et aux Français la vision des combattants ennemis (le livre a d’abord été publié au Vietnam avant d’être proposé à l’éditeur français ; son objectif premier était donc différent), offrir un regard autre qu’officiel. Aussi les auteurs se sont-ils attachés à recueillir les témoignages d’acteurs «quelconques» de la bataille, d’hommes et de femmes à qui personne n’avait jamais demandé de raconter «leur» Dien Bien Phu. «Petite histoire» donc mais ô combien plus vivante, plus «humaine» que la «grande» Histoire. Porteurs, terrassiers, soldats, infirmiers,… : la parole est aux sans-grades.
Pour cela, les journalistes ont profité des commémorations du cinquantenaire de la bataille pour mener un long travail d’enquête et de collecte de témoignages. Ils se sont confrontés aux difficiles démarches de réactivation et de légitimation de la mémoire. Puis ils ont dû trier parmi toutes ces tranches de vie, faire une sélection des témoignages les plus signifiants avant de les organiser d’un point de vue strictement chronologique. C’est avec un vrai talent que les auteurs ont réussi à remettre ces visions individuelles, forcément parcellaires d’autant plus qu’elles sont celles des «petites mains» de la guerre, en contexte pour donner finalement à voir une bataille parmi les plus riches en enseignements.
Nous avons ainsi une histoire de la bataille de Dien Bien Phu surprenante et pour le moins inhabituelle ; une histoire faite de chair, de souffrances et de joies ; une histoire faite d’efforts, de combats et de victoire.
Rémi Luglia
( Mis en ligne le 22/06/2010 )
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